Création de Minwashin
1. Contexte
Depuis 8000 ans, les Anicinabek habitent l’Abitibi-Témiscamingue. Obligés à fréquenter les pensionnats depuis l’adoption de la loi de 1876 et la création des réserves, ils ont perdu leur culture et leur langue ; menant à un génocide culturel.
La région comprend sept communautés autochtones. Ces communautés sont éloignées par leur situation géographique, par la langue (anglais et français) et par l’adhésion à différents conseils tribaux.
La nation anicinabe, comme beaucoup d’autres au Québec, est dans un processus de reconstruction culturelle. Il y a quelques années, aucune organisation culturelle ne permettait d’en réunir les communautés. Dans les pensionnats, toutes les nations autochtones ont appris à avoir honte de leur identité et de leur culture. Il est donc urgent de leur redonner l’accès à leur culture et à leur identité en toute fierté.
2. Abitibi-Témiscamingue et la culture
En 2011, aucun signe ne permettait aux visiteurs de comprendre que l’Abitibi-Témiscamingue était un territoire ancestral algonquin. Les Anicinabek étaient le peuple invisible. Le rapport canadien de la Commission Vérité et réconciliation et ses recommandations ont servi de base pour les actions de Culturat, qui ont mené à la création de MInwashin.
En 2015, un espace de concertation est créé pour réunir ces communautés : le Cercle culturel anicinabe. La culture, qui les avait détruits, devient un outil leur permettant de se reconstruire et de redonner de la fierté à leur peuple.
Plusieurs oeuvres d’art public, projets touristiques, ateliers scolaires et cocréations voient le jour, créant un pont entre les peuples. La perception négative propagée par les médias se réduit progressivement grâce à un meilleur lien entre les communautés et la diffusion d’images positives de la nation.
Tourisme Abitibi-Témiscamingue, via sa démarche Culturat, a soutenu la création de Minwashin, un organisme culturel entièrement anicinabe, qui marque un pas de plus vers la reconstruction culturelle de cette nation. En le soutenant financièrement et administrativement, Culturat a poursuivi ses objectifs tout en remettant entièrement dans leurs mains le développement d’une vie culturelle et la revitalisation de leur langue et de leur patrimoine.
L'objectif général de la politique culturelle de'Abitibi-Témiscamingue est de faire de l'art et de la culture les piliers du développement humain durable à travers la mise en oeuvre d'un programme de développement culturel durable.
Culturat s’inspire fortement de l’Agenda 21 de la culture. Elle mobilise toute une population autour du bien-être de tous et de la paix entre les peuples, grâce aux arts et à la culture. Elle crée des partenariats entre les villes, les MRC, les communautés autochtones, les milieux culturel, économique, éducatif et artistique, les organismes et les citoyen.ne.s.
Minwashin travaille de pair avec Culturat et d’autres organismes régionaux pour défendre les droits culturels des Anicinabek, notamment en facilitant les échanges, en rappelant l’importance d’inclure les communautés dans la prise de décision, en favorisant l’émergence d’artistes anicinabek et en facilitant des actions de sauvegarde de la langue. Ses actions s’inspirent du rapport de la Commission canadienne de vérité et réconciliation, qui a émis 94 appels à l’action afin de corriger les torts causés aux communautés autochtones.
3. Objectifs et mise en œuvre du projet
3.1. Objectifs principaux et spécifiques
L’objectif principal de Culturat est de mobiliser la population de l’Abitibi- Témiscamingue dans un mouvement innovant, créatif, rassembleur et structurant, en misant sur l’identité, les arts et la culture comme sources d’action, de respect des différences et de pôles de développement majeurs. Dans cette optique, elle a soutenu la création de Minwashin, qui a pour mission de soutenir, de développer et de célébrer les arts, la langue et la culture anicinabe.
3.2. Développement du projet
Principales actions développées
En 2012, à la suite de la recommandation du CED de protéger et de mettre en valeur la culture millénaire des Premiers Peuples de la région, Tourisme Abitibi-Témiscamingue décide de prioriser ce développement via la démarche CULTURAT, sous le patronage de la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO). En 2017, Minwashin est officiellement fondé et hérite du volet « Premières Nations » de Culturat, avec le soutien de Tourisme-Abitibi-Témiscamingue.
CONCERTATION
Culturat Premières Nations visait à générer des opportunités d’échanges et de maillages afin de dynamiser la culture pour que des projets naissent à l’échelle régionale, à travers l’organisation de rencontres régulières aux niveaux local et régional, la création d’espaces de concertation et de collaboration, le développement de plans de sensibilisation et la création d’outils spécifiques et adaptés. Minwashin poursuit cet objectif et regroupe maintenant toutes les communautés Anicinabe du Québec, tout en faisant de multiples partenariats avec des organismes de la région.
INFORMATION
Le rapprochement des peuples passe par la connaissance de l’autre et de son histoire. En suscitant, chez les Anicinabek, l’appropriation de leur propre identité culturelle, Culturat Premières Nations a contribué à faire jaillir des initiatives culturelles et a incité la population de l’Abitibi-Témiscamingue à créer des liens avec eux. Minwashin a poursuivi cette démarche et modifie la couverture médiatique et l’image de la nation anicinabe de façon positive (communautés virtuelles, chroniques radiophoniques, séries documentaires, etc.).
REPRÉSENTATION
La position de Tourisme AT et la notoriété de Culturat ont permis de favoriser les échanges entre des organismes régionaux, nationaux et internationaux avec les communautés autochtones et d’assurer la représentation et la participation des communautés dans la prise de décision et au sein des différentes instances de gouvernements, à divers niveaux et dans plusieurs domaines, tels que la langue ou le tourisme.
Cette mission appartient aujourd’hui entièrement à Minwashin, ce qui permet désormais un contact direct entre ces instances et les porteurs de la culture anicinabe.
DÉVELOPPEMENT CULTUREL RÉGIONAL
Le développement de projets dans les communautés est diversifié et Minwashin offre un soutien à leur création et leur mise en oeuvre. Le renforcement des synergies entre les radios anicinabek, la création d’expositions et l’organisation d’événements culturels et créatifs reflétant la culture et la langue anicinabe, la création d’un répertoire du patrimoine ou encore le développement de programmes de formation adaptés sont autant de projets menés par Minwashin.
DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES
Parce que la connaissance réduit les inégalités et favorise l’autonomisation, Minwashin vise à transmettre le savoir, le savoir-faire et à augmenter les compétences des communautés à travers, par exemple, la mise en valeur de la culture, de l’identité et de la langue anicinabe, l’accompagnement des artistes anicinabek dans leurs démarches, et la réalisation d’activités de recherche relatives au patrimoine culturel anicinabe.
4. Impacts
4.1. Impacts directs
Le plus grand résultat est sans doute le changement de mentalité qui s’opère, notamment chez les publics scolaires, et qui génère un désir mutuel de se connaître et de se reconnaître, à travers les arts et la culture. De plus en plus de festivals de la région ajoutent des volets autochtones à leur programmation. La culture algonquine est maintenant présente. Des artistes autochtones ont émergé et sont reconnus y compris à l’extérieur de la région. Une communauté artistique autochtone prend forme et se fait voir et entendre. À cela s’ajoute la création d’un rassemblement annuel sur la culture, l’identité et la langue, intitulé Miaja.
À la première édition de Miaja, en 2018, 150 personnes étaient présentes. L’année suivante, ce chiffre a doublé. Des gens de l’extérieur tels que le Chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador ainsi que tous les linguistes de la nation étaient présents. Le Conseil des préfets, en accordant un financement à Minwashin, a fait du rapprochement des peuples une priorité régionale.
4.2. Évaluation
Culturat et Minwashin suscitent l’intérêt en raison de leur caractère novateur et de leurs résultats impressionnants. Ils constituent de grandes opportunités pour le développement de l’Abitibi-Témiscamingue.
La démarche Culturat a fait l’objet de deux sondages, d’une planification stratégique et d’un documentaire.
Minwashin a procédé à une planification stratégique, pour laquelle elle a consulté des dirigeants des communautés et des porteurs culturels autochtones. Elle travaille également en étroite collaboration avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et l’Université d’Ottawa.
4.3. Facteurs clefs
La principale force de Culturat est la mobilisation de toute une communauté régionale autour de l’identité et de la culture. Un sondage effectué en 2019 révèle que 89% de la population de la région considèrent Culturat comme une démarche essentielle au développement de la région.
Culturat a adopté une approche humaniste, centrée sur l’écoute, la patience, la compréhension et les échanges en personne, en assurant une présence régulière au sein des communautés. L’aspect inclusif de la démarche est aussi l’un de ses facteurs de réussite. Elle favorise la création de liens et de maillages entre les secteurs, donnant lieu à de multiples projets impliquant des artistes : projets municipaux, projets d’entreprises, activités dans les écoles, projets de cocréation entre artistes autochtones et allochtones, etc.
La création de Minwashin est en soi un facteur clé, car elle permet à la nation anicinabe de prendre en main son propre développement culturel.
4.4. Continuité
La création de l’organisme Minwashin assure avec force et autodétermination la continuité des actions de rapprochement entre Allochtones et Autochtones, de rayonnement et de mise en valeur de la culture algonquine.
La collaboration entre Minwashin et Tourisme Abitibi-Témiscamingue, dans le cadre de Culturat, se poursuivra à l’avenir à travers la mise en place de divers projets.
5. Plus d’informations
La Région d’Abitibi-Témiscamingue a été candidate à la quatrième édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21” (novembre 2019-mai 2020). Le Jury du Prix a élaboré son rapport final en juillet 2020 et a demandé à la Commission culture de CGLU de faire rayonner ce projet comme étant une pratique exemplaire de la mise en oeuvre de l’Agenda 21 de la Culture, et comme mention spéciale de la quatrième édition du Prix.
Cette fiche a été réalisée par Pascale Charlebois, Consultante à la coordination de Culturat, Tourisme Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda, Québec, Canada.
Contact : pascale@atrat.org