Santiago est à moi

Contexte

Avec 7 112 808 habitant·e·s, la région métropolitaine (RM) de Santiago concentre presque la moitié de la population totale du Chili (41 %). Elle est composée de 52 municipalités, dont 18 d’entre elles sont associées au secteur rural de la région. Ces municipalités sont réparties en 6 provinces, celle de Santiago en regroupant un total de 32.

Il y a plus de 50 ans, la RM a fait l’expérience d’un processus dynamique d’expansion urbaine et de croissance démographique, renforçant ainsi son statut de centre politique, administratif, économique et culturel du pays. Toutefois, c'est aussi la région la plus inégalitaire de toutes, avec un indice de Gini de 0,498, le plus élevé du Chili.

Sa condition de région-capitale en fait le principal pôle de programmes et infrastructures culturelles, mais en même temps, l’une des régions ayant le plus de problèmes d’accès à ce domaine. C’est une région de grande diversité culturelle qui se meut entre urbain et rural, modernité et patrimoine, mais aussi entre développement et précarité, générée par une forte ségrégation sociale, principal facteur des inégalités dans l’accès et la consommation des biens et services culturels.

Cette alliance est un fait historique dans le domaine de la politique culturelle au Chili.

La Région Métropolitaine de Santiago et la culture

La RM établit un programme quinquennal d’objectifs, buts et stratégies dans le cadre général de la politique culturelle menée par le Conseil national de la culture et des arts. C’est ainsi que la politique a été mise en place, à partir de trois axes : la promotion des arts, la participation citoyenne et le patrimoine culturel ; chaque axe étant doté de ses propres objectifs, buts et stratégies. Dans chaque axe, il est fait référence à l’importance d’établir des alliances stratégiques, un financement différencié, des transferts de connaissances et le soutien à l’exécution concrète des actions. « Santiago est à moi » a été la réponse la plus significative de cette politique.

Le programme a permis la coordination de trois institutions publiques : l’Intendance métropolitaine, le Gouvernement régional métropolitain et la Direction métropolitaine du Conseil national de la culture et des arts (CNCA RM), entité ayant la charge de « Santiago est à moi ».

Cette alliance constitue un fait historique dans le domaine de la politique culturelle car jamais auparavant au Chili un gouvernement régional n’avait destiné un tel investissement à un programme culturel. L’origine de « Santiago est à moi » remonte aux efforts de la CNCA RM pour prendre en compte une région si étendue, diverse et complexe de par sa composition économique et socioculturelle. Pour y parvenir, un projet a été élaboré pour rendre possible l’apport des ressources nécessaires afin d’avoir un impact réel sur les territoires, en mettant en place des actions selon trois concepts centraux : formation, mécanismes associatifs et identité.

« Santiago est à moi » a fait face à la problématique d’une région où l’accès et la participation à la culture sont des éléments de tensions. Les municipalités les plus reculées (du point de vue territorial comme socioéconomique) étaient exclues de l’offre culturelle. En ce sens, des ressources ont été concentrées pour la décentralisation et la participation active des agents culturel·le·s des municipalités, dans des actions artistiques et formatrices mises en œuvre collectivement et de façon associative.

« Santiago est à moi » est parcouru de façon transversale par les agendas mondiaux que sont l’Agenda 2030 des ODD et l’Agenda 21 de la culture. Les objectifs fondamentaux du programme veulent s’attaquer aux inégalités existantes en matière d’accès et de participation des citoyens·ne·s à l'expérience artistique et culturelle (ODD 10). L’importance de la culture dans le renforcement de la cohésion sociale, la préservation et la mise en valeur du patrimoine et la récupération de l’espace public comme lieu de rencontre et du tissu social (ODD 11). Enfin, l’ODD « Partenariats pour la réalisation des objectifs », non seulement parce que le programme en lui-même incarne une situation historique de mécanisme associatif institutionnel, mais aussi parce que ses actions spécifiques cherchent également à établir la notion d’alliance comme élément central tant au niveau international (région Île-de-France) que local (Réseau des centres culturels).

Concernant l’Agenda 21 de la culture : installer la centralité de la culture comme axe fondamental du développement humain, favoriser un accès et une participation plus démocratiques à la culture, diversité culturelle via la reconnaissance des identités et du patrimoine des territoires. Mise en valeur de l’espace public au travers de l'action artistique concrète de groupes et collectifs engagés auprès des territoires, coordonnés par les gouvernements locaux présents dans la définition et la gestion des actions, ainsi que dans l’échange.

Objectifs et mise en oeuvre du projet

Objectifs principaux et spécifiques

Former les agents culturel·le·s public·que·s et la communauté de la RM, favoriser l’augmentation de la consommation et de la pratique culturelles avec des actions orientées sur la formation des publics. Création de réseaux associatifs, pour stimuler l’accès équitable, de qualité, en donnant de la visibilité et en mettant en valeur les éléments culturels des identités de la région.

  1. Renforcer la capacité associative : créer un réseau de centres culturels publics pour une offre culturelle unie, équitable et de qualité.
  2. Renforcement des capacités en gestion culturelle pour élever, visibiliser et valoriser la culture sociale et l’identité de chaque territoire.
  3. Formation de publics à partir d’initiatives pour faire l’expérience de l’appréciation et de la valorisation artistique-culturelle, en encourageant le dialogue entre les communautés et les créateur·rice·s.

Principaux·les bénéficiaires : la population des 52 communes de la RM (avec un accent particulier mis sur les 60 % les plus pauvres, ayant des revenus mensuels inférieurs à 337 USD) ; 68 % des habitant·e·s de la région. Les travailleur·se·s de la culture (2 393 environ) et les équipes de culture des différentes municipalités, fondations culturelles et institutions publiques associées au programme.

Développement du projet

Principales actions mises en place

Théâtre du silence : compagnie itinérante proposant le spectacle de rue Doctor Dapertutto dans 9 municipalités de la RM, effectuant un travail avec les troupes de citoyen·ne·s sans expérience théâtrale. Des communes grandement vulnérables et isolées de l’offre culturelle y ont participé.

Convention avec la région Île-de-France : 4 projets dans les communes composant le Réseau de centres culturels publics : le Théâtre Aleph (France), un projet de théâtre communautaire dans 9 municipalités ; Kosmopolite, une association de street-art qui a transformé, aux côtés d’artistes locaux·les, 4 grands murs de la région ; et la Position du Guetteur, une compagnie française qui a réalisé des laboratoires théâtraux dans 5 communes. Un voyage d’échange avec la France a été organisé avec la compagnie Teatro Niño Proletario (théâtre enfant prolétaire), qui a effectué une tournée dans 6 théâtres de la région.

Santiago est Carnaval : a réuni les 52 municipalités de la RM, chacune a travaillé 3 mois sous forme d’ateliers ayant permis de redonner vie à des éléments d’identité et patrimoine de chaque localité. Ces éléments ont été interprétés via la construction d’un char allégorique, qui a défilé sur l’Alameda (principale avenue de la région) dans le cadre d’une grande marche accompagnée de groupes de carnaval, avec une grande participation du public.

Formation du Réseau des centres culturels : 13 journées de travail aux côtés des équipes des 18 centres culturels publics pour mettre sur pied le Réseau des centres culturels. De plus, 7 formations ont été données dans les centres, avec pour thématiques : les publics, le financement, la gestion territoriale, la diffusion, la médiation artistique, etc.

Chaque municipalité a travaillé 3 mois sous forme d'ateliers qui ont permis de redonner vie à des éléments d'identité et de patrimoine de chaque localité.

Festival Métropolitain : programmation artistique du Réseau des centres culturels. Des projets de médiation ont été réalisés avec : des groupes sélectionnés sur candidatures, des artistes locaux·les des 18 communes respectives. 113 groupes artistiques y ont participé, 550 personnes lors des journées de médiation et 25 541 personnes lors des présentations.

Formations en gestion culturelle : elles ont été réalisées au nombre de 24, chacune ayant 4 modules (20 heures) ; ce qui a permis la certification de 637 agents locaux·les des 52 municipalités de la RM.

Festival Mouvement Rural : programmation artistique dans 8 communes rurales, conjuguant médiation et expositions de différentes disciplines. 5 groupes artistiques de portée nationale ont été sélectionnés, pour accompagner 12 groupes locaux qui se sont rendus dans différentes localités souffrant d’un accès médiocre aux offres culturelles.

Mapping itinérant : à travers un travail associatif entre les 5 communes les plus riches du point de vue de l'offre et de la consommation culturelles, un projet itinérant de mapping vidéo a été mis en place, qui cherche à réfléchir sur la ville, son histoire, ses enjeux contemporains, selon la perspective et les expériences d’un immigré.

Résidences artistiques : 11 collectifs artistiques ont effectué un travail de 6 mois dans 11 quartiers à forte complexité sociale. Les 3 premiers mois ont concerné le diagnostic et les 3 restants l’exécution et la résidence. Aux côtés de la communauté, des pièces de théâtre, des installations artistiques et une chaîne de télévision communautaire ont été proposées. Les projets ont cherché à mettre en valeur la mémoire historique locale, la récupération des espaces publics et l’enrichissement du tissu social.

PHASES

  • 1e : directives de programmation pour chaque composante
  • 2e : travail sur les directives avec les départements respectifs de culture des municipalités et définition du cadre
  • 3e : mise en œuvre (appels à candidatures d’artistes, appels d’offres publics, planification, etc.), aux côtés des départements de culture, participant à chaque étape du développement

Le principal obstacle a été la diversité existant entre les 52 municipalités de la région, se manifestant par les différences au niveau de l’industrialisation, de la modernité des populations, de la distance des centres urbains, de l’isolement territorial, de la vulnérabilité économique, etc.

Le programme est parvenu à mener des actions concrètes dans chacune des 52 municipalités composées de plus de 7 millions d’habitant·e·s (la 7e plus grande population d’Amérique latine), en comptant sur la participation d’un total de 180 800 personnes.

Impacts

Impacts sur le gouvernement local et les agents de la ville

Intersectorialité

Mise en application d’une logique intersectorielle, « Santiago est à moi » constitue le premier projet culturel financé à hauteur de près de 5 millions de dollars.

Centralité de la culture

Le projet comprend une vision intégrale du rôle de l'investissement public dans la culture, en reconnaissant sa place au sein du développement et de la transformation sociale de la région. Il rend possible le positionnement des arts et de la culture au sein des politiques publiques.

Participation réelle et constante qui a permis d'installer en deux ans un programme aujourd'hui reconnu par toutes les institutions municipales liées au domaine culturel.

Investissement

Le programme augmente de 59 % l'investissement de la CNCA RM, selon une perspective programmatique, pour ce qui est de l’investissement public dans la culture.

Participation

Le programme a consacré 4 793 heures exclusivement pour la formation ; 173 présentations artistiques ont été effectuées, auxquelles ont participé 265 groupes (nationaux, internationaux et locaux), rassemblant 180 844 participant·e·s aux séances de formation et en tant que public. Travail avec 52 municipalités de la région, selon une logique associative et de véritable participation aux définitions des programmes et du contenu.

Évaluation

Confection et réalisation de 8 questionnaires d’ordre quantitatif (échelle de Likert) pour comparer la perception des participant·e·s aux différentes dimensions des activités réalisées (échantillon : 1186 cas).

Principales conclusions : évaluations élevées en général, en particulier du point de vue de la reproductibilité, surtout dans les activités évaluées annuellement et changement de perception selon la municipalité participante.

Facteurs clefs

Un point fondamental dans la conception initiale du projet a à voir avec deux éléments directement liés : tout d'abord la durée du programme (deux ans) et ensuite, la répétition annuelle de ses activités les plus emblématiques. Les conditions qui ont rendu possibles les aspects les plus pertinents dans la mise en œuvre du programme et sa perception postérieure :

  1. Capacité d’apprentissage et flexibilité ; organisme qui évolue et s'adapte en maintenant sa structure.
  2. Participation : cruciale pour apporter de la pertinence territoriale au programme, avec des incidences réelles sur le processus.

Continuité

La deuxième version du programme, s’intitulant désormais « Santiago est à tou·te·s », a été présentée et approuvée par le Gouvernement régional métropolitain fin 2018. Son exécution commence en 2019 et s’étend sur 3 ans, jusqu’à fin 2021. La nouvelle version affiche un temps plus long d’exécution, mais aussi une augmentation considérable de son budget, de ses activités et de l’équipe qui compose le programme.

Tout indique que la réussite de sa première version et le début d’une deuxième étape plus robuste établiront le programme non plus comme un tournant historique, mais comme une politique publique.

En savoir plus

Santiago a été candidate à la troisième édition du Prix international CGLU - Ville de Mexico - Culture 21 (novembre 2017 - mai 2018). En juin 2016, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en œuvre de l'Agenda 21 de la Culture.

Cette fiche a été rédigée par Nicolás del Real Floresco, coordinateur du programme « Santiago es Mío », ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine, Santiago, Chili.

Contact : alvaro.rodriguez@cultura.gob.cl
Site web : www.cultura.gob.cl/metropolitana/

Santiago