Centres d'informations et de conseil sur la médecine traditionnelle « Qullañ Uta »

1. La Paz et la culture

La Paz est une municipalité dotée de fortes racines ethniques et culturelles aymara qui coexistent avec des identités d’origine autochtone-rurale, métisse-urbaine et moderne-occidentale. Il en résulte un échange symbolique continu, un métissage et un dialogue interculturel, mais aussi des conflits identitaires, sociaux et culturels qui nécessitent la génération de conditions égales de dialogue fondées dans la perspective des droits culturels, autour de l’importance, dans la sphère publique, des expressions, pratiques et manifestations traditionnelles et ancestrales subalternisées en tant que produit des hégémonies culturelles.

Le projet est conforme aux politiques municipales de développement durable et aux réglementations nationales, fondées sur une politique de santé interculturelle inclusive, équitable, solidaire, communautaire, de qualité et chaleureuse. Il répond à la nécessité d’exercer la souveraineté en matière de santé dans le cadre de la loi n° 459 sur la médecine traditionnelle ancestrale bolivienne et de la loi municipale 265-319 sur la promotion, la sauvegarde, le développement et la valorisation des cultures et des arts, dans le cadre des réglementations susmentionnées. Il a pour priorités : la relation entre les politiques culturelles et les politiques publiques sociales, la promotion des cultures ancestrales et le dialogue interculturel dans le système de santé.

Les priorités du projet sont : la relation entre les politiques culturelles et les politiques publiques sociales, la promotion des cultures ancestrales et le dialogue interculturel dans le système de santé.

 

2. Objectifs et mise en oeuvre du projet

2.1. Objectifs principal et spécifiques

Le projet vise à promouvoir, dans le cadre du paradigme interculturel, l’exercice du droit à la santé et au bien-être au sein de la municipalité. Il encourage la prise en charge des bénéficiaires par des médecins traditionnels, des guides spirituels, des sages-femmes et des naturopathes, en favorisant les processus de dialogue, de formation et de recherche sur la santé interculturelle à partir des connaissances et des pratiques des peuples autochtones, paysans et afro-boliviens, qui font partie du patrimoine culturel immatériel. Le projet se développe dans des espaces installés, avec une projection urbaine et rurale, situés dans chacun des macro-districts de la municipalité, avec une période de consolidation de dix ans. Ses objectifs spécifiques sont les suivants:

  • Contribuer au système de santé interculturel de la municipalité.
  • Consolider le réseau en renforçant les centres déjà en place et en favorisant la création de nouveaux centres.
  • Promouvoir le dialogue interculturel, la formation et la diffusion des connaissances et des pratiques des peuples autochtones, paysans et afro-boliviens.
  • Développer des laboratoires artisanaux pour fabriquer des produits basés sur la médecine traditionnelle, en récupérant les connaissances et les pratiques liées aux plantes médicinales..

2.2. Développement du projet

La population bénéficiaire du projet, dans le cadre d’une approche de déconcentration territoriale, est composée de résident·e·s des zones où sont situés les centres de soins. Les principales actions développées sont :

  • Mise en oeuvre progressive de quatre centres municipaux de médecine traditionnelle Qullañ Uta depuis 2014 dans différents territoires, avec une attention gratuite et constante.
  • Mise en place de deux jardins communaux de plantes médicinales dans les centres, pour une utilisation dans différentes pratiques thérapeutiques.
  • Promotion des processus de recherche et compilation des connaissances et des pratiques pour l’élaboration de protocoles et de guides sur les spécialités de la médecine traditionnelle.
  • Consultation et coordination avec les acteurs sociaux dans les territoires où les centres sont implantés.
  • Accompagnement des cérémonies rituelles du calendrier rituel et festif de la municipalité, en considérant l’approche sanitaire interculturelle liée aux cycles de la Pachamama (Terre-Mère) et des esprits andins.
  • Participation des médecins traditionnels, des guides spirituels, des sages-femmes, des sage-femmes et des naturopathes à des foires culturelles ouvertes à la population pour diffuser les connaissances sur la médecine traditionnelle.

Les phases de développement du projet sont les suivantes :

  • Phase initiale : collecte d’informations territoriales sur les besoins de la population en matière de soins de santé dès le stade de la prévention, et reconnaissance de l’appropriation des pratiques et connaissances traditionnelles au sein du système de santé interculturel.
  • Phase de mise en oeuvre et d’articulation : mise en place de centres dans chaque macro district de la municipalité, tant dans les zones urbaines que rurales. Les centres sont articulés en un réseau de centres de médecine traditionnelle afin de développer des politiques de coopération culturelle entre les territoires municipaux, en articulant les activités et les expériences pour un service de santé de médecine traditionnelle ouvert, inclusif et intégrateur.
  • Phase de dialogue et de recherche : mise en place de processus de dialogue interculturel, collecte de connaissances, renforcement des processus d’appropriation et promotion du rapprochement entre le système de santé traditionnel et le système de santé interculturel. Au cours de cette phase, l’utilisation des plantes traditionnelles et le développement de rituels pour la santé physique et spirituelle, entre autres, sont étudiés.
  • Phase d’évaluation : actions visant à évaluer les étapes précédentes, en tenant compte de la satisfaction de la population bénéficiaire, du point de vue des agent·e·s de la médecine traditionnelle et des autres habitant·e·s du territoire, en évaluant l’impact sur la qualité de vie et le développement durable sur leur territoire.

Les phases sont interdépendantes, elles se développent dans une projection quinquennale et cyclique dans la perspective de la permanence du projet au sein de la municipalité.

Dans le cadre du projet, des entités partenaires et une approche avec le gouvernement central de l’État plurinational de Bolivie ont été établies pour développer un espace de dialogue sur l’articulation de la médecine traditionnelle dans le système national de santé, ainsi que la coordination initiale pour le développement de guides de médecine traditionnelle dans ses différentes spécialités.

Le projet a mis en place quatre centres offrant une attention gratuire et constante, deux jardins communaux de plantes médicinales, et participe également à la recherche et à la compilation de connaissances et de pratiques, entre autres.

 

3. Impacts

3.1. Impacts directs

Au cours des dix années d’existence des centres de médecine traditionnelle, 4,3 % du nombre total de personnes vivant dans les macro-districts du projet ont été pris en charge. En outre, quelque 16 activités annuelles ont été développées sur l’utilisation des plantes et autres éléments médicinaux.

Les Qullañ Utas opèrent dans des Maisons Communales gérées par des conseils de quartier, qui contribuent à la coordination des espaces de dialogue interculturel avec les organisations de la société civile.

Enfin, l’utilisation des langues autochtones (notamment l’aymara et le quechua) dans l’offre de services de médecine traditionnelle est une condition d’inclusion pour la fourniture de tout service social dans la municipalité.

3.2. Évaluation

Des informations sur les bénéficiaires, la consultation et les suggestions du spécialiste sont enregistrées pour tous les soins fournis, ce qui permet d’établir des données quantitatives annuelles. D’autre part, un procureur du service de médecine traditionnelle est affecté à chaque Qullañ Uta pour une visite de supervision mensuelle, afin de contrôler les soins de médecine traditionnelle et le fonctionnement de chaque centre, informations qui sont consignées dans des rapports annuels. De même, des réunions trimestrielles en face à face sont organisées avec les conseils d’administration des conseils de quartier des territoires où sont situés les centres.

3.3. Facteurs clefs

Les centres et les jardins communaux cherchent à perpétuer et à reproduire les significations originelles de la médecine traditionnelle par l’utilisation d’éléments minéraux, végétaux et/ou animaux, ainsi que de rituels liés à des espaces et entités sacrés (Pachamama, wak’as et uywiris) en cohérence avec les pratiques et les identités culturelles profondément enracinées de la population. De cette manière, une politique de soins de santé préventifs est mise en oeuvre dans la municipalité, fournissant des soins de santé alternatifs et offrant des soins horizontaux gratuits, en particulier au profit des personnes ayant de faibles ressources économiques, ce qui renforce également le système de santé interculturel.

L'utilisation des langues maternelles (Aymara et Quechua) dans les soins médicaux traditionnels est soulignée comme condition d'inclusion.

3.4. Continuité

Un total de 48 médecins traditionnels a été atteint annuellement depuis 2022 (72 médecins par an depuis 2014) en signant des contrats de services administratifs individuels avec l’entité publique pour une période annuelle active, financée par des ressources spécifiques dans le cadre du programme de santé interculturelle de la municipalité. De même, l’un·e des médecins en exercice est désigné·e dans chaque centre en tant que coordinateur ou coordinatrice de l’aire d’interculturalité appartenant au gouvernement local pour organiser des actions opérationnelles et développer des formations mensuelles adressées aux personnels de santé. En outre, un·e agent·e de supervision institutionnelle également doté·e d’un profil professionnel spécialisé dans le domaine interculturel est nommé·e pour effectuer un suivi mensuel formel des performances des centres.

 

4. Plus d'information

La Paz a remporté la sixième édition du Prix international CGLU – Ville de Mexico – Culture 21 (novembre 2023 – mars 2024). Le jury du prix a produit son rapport final en juin 2024 et a demandé à la Commission de la culture de CGLU de promouvoir également ce projet comme l’une des bonnes pratiques dans la mise en oeuvre de l’Agenda 21 de la culture.

Cet article a été rédigé par Rocio Del Carmen Alvarez Aranibar, responsable en matière de gestion, production et rencontre artistique et culturelle, La Paz, Murillo, État Plurinational de Bolivie.

Contact : rocio.alvarez (at) lapaz.bo
Site web : www.lapaz.bo

 

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