El Carmen de Viboral - "Un territoire pour le bon-vivre": Plan Municipal pour la Culture 2016-2026

Contexte

Située à l’est du département d’Antioquia (Colombie), El Carmen de Viboral s’étend sur 448 km2 et compte près de 50 000 habitant·e·s (2013). Elle est composée de 56 « veredas », un type de division politico-administrative en zone rurale (équivalent des hameaux). À cause du conflit armé, le lien des habitant·e·s de la zone rurale avec ceux et celles de la zone urbaine a changé, provoquant également la diminution de la population rurale, déplacée au chef-lieu municipal ou à d’autres territoires.

L’économie de la municipalité est liée à l'agriculture, même si celle-ci cède du terrain face à la crise agricole du pays et au conflit armé, à la floriculture d’export et à l’élevage (lait). L’économie est également liée à la céramique peinte à la main, qui a souffert de la crise de l’ouverture économique des années 90, période à laquelle elle disparaît presque complètement. Elle a refait surface il y a une dizaine d’années, en s’affirmant comme patrimoine culturel et agent économique génératrice d’emplois dans le secteur de l’artisanat.

El Carmen de Viboral se détache par son activité culturelle, grâce au renforcement progressif de l'institutionnalisation de la culture. Son attractivité touristique et culturelle s’est accrue car elle a su préserver ses caractéristiques de village traditionnel, de « vie lente » : son paysage, sa population, son esthétique urbaine, ses espaces publics de rencontre et un agenda culturel actif.

Le plan municipal pour la culture 2016-2026 se présente comme une politique culturelle nécessaire pour renforcer la cohésion sociale sur un territoire fracturé et affaibli par plus de 10 années de conflit armé et de violence.

El Carmen de Viboral et la Culture

La réforme du pays avec la Constitution nationale de 1991 reconnaissant la diversité et la multiculturalité comme constitutives de la Nation, s'est transformée en réformes du cadre juridique et institutionnel de la culture. L’un des résultats est le Plan national pour la culture 2001-2020 « Vers une citoyenneté démocratique et culturelle », qui envisageait la culture comme base de la construction d’un développement social, politique et économique, largement participatif. De même, le Plan départemental pour la culture « Antioquia et ses différentes voix » tenait compte de la participation citoyenne comme fondement de la démocratisation culturelle ; et à l’échelle locale, le Plan de développement culturel 2005-2015 « La vie culturelle d’El Carmen de Viboral » (première politique culturelle publique de la municipalité) a contribué à la démocratisation culturelle en renforçant la reconnaissance de l’identité, de la diversité, de la création artistique et du sentiment d’appartenance des citoyen·ne·s

Le plan municipal pour la culture 2016 - 2026 « Un territoire pour le bon-vivre » affirme l’importance des processus, espaces et scènes de participation comme mécanismes essentiels au dialogue et aux synergies entre les différents secteurs, acteur·rice·s et agents territoriaux·les, pour une gouvernance optimale, dans le contexte d’un pays où un cycle de violence de plus d’un demi-siècle a grandement participé à l’exclusion des majorités de la vie politique et économique.

Le plan est parvenu à faire participer le secteur public et privé et les associations civiques et de la communauté ; il a également obtenu le soutien du ministère de la culture, de l’institut de la culture et du patrimoine d’Antioquia (ICPA) et de divers programmes de coopération internationale.

Prenant le relais du Plan de développement culturel 2005-2015 arrivé à son terme, le Plan municipal pour la culture 2016 - 2026 se présente comme générateur de nouvelles pratiques sociales et politiques pour dépasser la logique de la culture comme secteur et sa limitation au domaine artistique et esthétique. Il entend se transcender vers un modèle de gouvernance plus intégrateur, qui favorise la participation et l'inclusion de tou·te·s les acteur·rice·s aux processus de débat et de prise de décisions, tout en diminuant la corruption et le clientélisme, pour une véritable démocratie culturelle.

Le Plan est coordonné au Plan de développement municipal 2016-2019 « El Carmen de Viboral, un territoire de vie et de paix », où est soulignée l'inclusion comme l’un de ses piliers fondamentaux pour « la paix, la ruralité et la culture ». Le Plan a également une incidence sur le Plan d’aménagement territorial (PBOT) et le Plan local de tourisme, comme effort de médiation, articulation et concertation en vue de faire de la culture un moteur de développement du territoire.

Des initiatives mondiales telles que l’Agenda 21 de la culture, les Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 et le Nouvel agenda urbain sont envisagés, exprimés et localisés au sein de ce processus de planification territoriale de développement local.

Objectifs et mise en oeuvre du projet

Objectif principal et spécifiques

L’objectif principal est de promouvoir un territoire qui met en valeur et protège son patrimoine culturel et naturel comme faisant partie de son identité, qui permet l’expression et la projection de différentes manifestations artistiques et culturelles avec la reconnaissance des identités locales et des droits culturels qui leur reviennent. Un territoire qui permet l’existence de relations harmonieuses entre les personnes et les communautés qui privilégient le dialogue et reconnaissent et valorisent la culture comme facteur du développement humain, social, économique, urbain et territorial.

Objectifs spécifiques :

  • Consolider un système municipal de culture qui encourage une vision stratégique du territoire avec l’identité culturelle comme base et la coordination avec les acteur·rice·s public·que·s et privé·e·s.
  • Garantir l’accès aux biens et services culturels et promouvoir l’amélioration des conditions de durabilité socioéconomique des agents culturel·le·s.
  • Favoriser la communication et le dialogue culturel qui consolident les processus, espaces et scènes de la participation.
  • Intensifier l’appropriation sociale du patrimoine comme droit et devoir des citoyen·ne·s, en encourageant à sa connaissance, sa mise en valeur, sa protection, sa sauvegarde, sa diffusion, sa transmission et sa durabilité.
  • Favoriser la culture citoyenne et l’exercice de la citoyenneté pour la construction d’un territoire pour le bon-vivre.

Développement du projet

Principales actions réalisées

1. SYSTÈME MUNICIPAL DE CULTURE (SMCU)

  • Plan de renforcement du conseil municipal de la culture (CMCU)
  • Cartographie des agents locaux·les et des espaces de participation
  • Programme d’encouragement des gestionnaires culturel·le·s, artistes et entrepreneur·se·s créatif·ve·s
  • Programme de formation et de conseil aux artistes, gestionnaires et entrepreneur·se·s créatif·ve·s
  • Élaboration d’un répertoire des agents culturel·le·s, artistes et entrepreneur·se·s créatif·ve·s
  • Création d’une unité de gestion, coopération et relations internationales

Le plan a placé l’institut de la culture sur la scène locale et régionale, renforçant par- là sa position de médiateur culturel. Le plan est devenu une référence pour les municipalités voisines qui ne s’en sont pas encore dotées.

2. L’ART POUR VIVRE

  • Programme d'initiation et de formation aux arts pour les enfants de moins de 6 ans
  • Programme École de formation aux arts pour les jeunes et les adultes
  • Programme Culture et Territoire : formation et promotion des pratiques culturelles pour le secteur rural, dans 16 veredas rurales
  • Programme de création et de circulation artistique et culturelle
  • La route de la lecture : programme de lecture et écriture « Lire c’est mon histoire »
  • Forum annuel de philosophie STOA
  • Programme de festivals nationaux et internationaux annuels

3. COMMUNICATION ET PARTICIPATION POUR LA GESTION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE LOCAL

  • Conception et développement d’une stratégie de communication locale
  • Mise en valeur des contenus culturels sur les radios, télévisions et médias imprimés locaux et régionaux
  • Conception et production du programme télévisé « Culture de ce côté », et du programme de radio « Minute d’information perspective Est »

4. APPROPRIATION SOCIALE DU PATRIMOINE CULTUREL

  • PROGRAMME ENSEIGNEMENT VIVANT : Mémoire et identité locale
  • Rencontres de l’histoire vivante »
  • Promotion du groupe de vigiles du patrimoine culturel auprès des élèves des instituts éducatifs
  • Conception d’un inventaire préliminaire des biens d’intérêt culturel et touristique
  • Création d’un centre de documentation de la céramique 
  • Programme « Chemin de la vereda »
  • Inventaire et description du patrimoine documentaire des archives historiques municipales
  • Entretien et conservation des biens d’intérêt culturel de la municipalité

5. FAVORISER LA CULTURE CITOYENNE ET L’EXERCICE DE LA CITOYENNETÉ POUR LA CONSTRUCTION D’UN TERRITOIRE POUR LE BON-VIVRE

  • Construction d’un point d’information touristique
  • Programme Place culturelle « Art et culture pour la paix »
  • Création et coordination d’un bureau local du tourisme
  • Journées de formation des prestataires de services touristiques de la municipalité
  • Participation au Salon ANATO, pour promouvoir les traditions de la municipalité
  • Forum régional (annuel) du territoire, de la culture et du tourisme

Impacts

Impacts directs

Impact sur le gouvernement local

Lors de l'approbation du plan, les responsables ont pris connaissance d’autres sens que peuvent revêtir la culture et le culturel, élargissant et comparant les notions, et dans certains cas, il·elle·s même adopté un langage différent pour les nommer.

Impact sur la culture et les acteurs culturels locaux

Le Plan a été remarquablement bien accepté par les agents culturel·le·s et les acteur·rice·s sociaux·les ; il a été considéré comme une carte de navigation pour le développement local :

  • C’est un plan construit selon les nécessités des différents groupes sociaux » (un leader social, 2016).
  • C’est un plan bien conçu. Il répond aux demandes avec une plus grande clarté que le plan de développement. [...] La perspective du domaine [rural] est très complète. » (corporation Conciudadanía, 2016).
  • Il parvient à une dimension qui va au-delà de la pratique ou d’une scène, il se met en lien avec la vie commune des citoyen·ne·s, il cherche à coordonner toutes les manifestations telles que la ruralité, les aspects du système éducatif... » (Corporation Culturelle Nybram, 2016).

Impact sur le territoire et la population

  • Augmentation du budget attribué à l’Institut de la culture et des événements internationaux et nationaux qui dynamisent l’économie locale.
  • Reconnaissance de la politique de l’Institut de juste rétribution des artistes participant aux événements.
  • Promotion des initiatives créatives.
  • Engagement envers la défense collective des ressources locales naturelles, considérées comme patrimoine.
  • Formation du réseau des agents locaux·les pour l'action internationale et le développement culturel.

Évaluation

Les politiques publiques culturelles requièrent l’usage de mesures davantage qualitatives, qui permettent une interprétation et compréhension de la réalité plus proche des communautés. Il a donc été proposé pour l’évaluation un Système de suivi et d’évaluation qui mette en œuvre le recoupement des concepts, méthodes, techniques et indicateurs nécessaires, outre les autres systèmes qui le complètent.

Au vu du manque actuel d’indicateurs de base comme de données culturelles à l’échelle locale, l’un des principaux défis est d’effectuer un diagnostic qui intègre la ligne de base et alimente le système de suivi et d’évaluation utile pour avancer vers un développement territorial fondé sur la culture.

L’un des facteurs clés de cette initiative est qu’elle réenvisage la notion de culture comme moyen et fin du développement des communautés et comme moteur de transformation sociale et politique de la vie des populations.

Facteurs clefs

  • Le Plan municipal de la culture compte sur une importante reconnaissance et s’appuie sur l’expérience et les enseignements tirés du plan antérieur.
  • Son processus est plus participatif, il adopte des méthodes et techniques de diagnostic qualitatives et participatives, proches et adaptées au contexte, en intégrant l’urbain comme le rural.
  • Il comprend une méthode « innovante » avec des techniques et outils de concertation externes et certaines en accès ouvert : ateliers et conversation avec des groupes-témoins, consultation d’expert·e·s et de la communauté, entre autres.

Continuité

Le Plan dispose de différents fonds d’origine locale, régionale, nationale et internationale. De plus, il renforce chaque jour les synergies avec les autres institutions, entités, secteurs et agents culturel·le·s faisant partie du Système municipal de la culture (SMCU). On y retrouve également le Conseil municipal de la culture et l’Institut de la culture, qui a formulé et géré un Système d’information culturelle avec des partenaires stratégiques issus du monde universitaire, de la recherche, mais aussi des gestionnaires et des entrepreneur·se·s créatif·ve·s.

Information relative

El Carmen de Viboral a été candidate à la troisième édition du Prix international CGLU-Ville de Mexico-Culture21 (novembre 2017 - mai 2018). En juin 2018, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en œuvre de l'Agenda 21 de la Culture.

Cette fiche a été rédigée par María Eugenia García Gómez, directrice de l’Institut de la culture d’El Carmen de Viboral, Antioquia, Colombe.

Contact : direccioninstitutocultura@alcaldiaelcarmen.gov.co
Site web de référence : www.elcarmendeviboral-antioquia.gov.co
www.culturaelcarmen.gov.co

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