Les quartiers, territoire de culture
Contexte
Bilbao est le centre principal de la Communauté Autonome Basque et la principale ville de la côte cantabrique. La ville est située au nord-ouest de l’Espagne, à un peu plus de 120 kilomètres de la frontière française.
À l'heure actuelle, sa population est d'environ 350 000 habitants (53% de femmes et 47% d'hommes), avec une densité de près de 8 500 habitants au km2 ; le principal défi étant le vieillissement progressif de la population, avec un taux proche de 25% de personnes ayant plus de 65 ans.
Suite à la création de corporations municipales démocratiques, le Conseil municipal de Bilbao a décidé en 1989, au moyen du Règlement d'organisation des districts et de la participation citoyenne, de diviser administrativement le territoire en huit districts pour permettre la décentralisation des services.
Toutefois, la plupart des habitants n’ont toujours pas conscience à ce jour du district dans lequel ils résident ; le sentiment d'appartenance s’exprimant davantage en lien avec un quartier spécifique, dont le nombre atteint 34. A l’instar d'autres villes avec des caractéristiques similaires, les différences entre les quartiers et les districts sont considérables, tant en termes de superficie et de population, qu'en termes de statut socio-économique et de dotation en équipements, services, etc. Ainsi, grosso modo, les quartiers les mieux dotés et au niveau économique le plus élevé sont, comme c’est souvent le cas, les quartiers les plus centraux (Casco Viejo et Abando, où se trouvent la vieille ville et sa zone limitrophe) ; et les quartiers les plus faiblement dotés et aux revenus les plus bas sont les plus périphériques (comme Otxarkoaga et Zorroza) ou certains quartiers plus centraux qui sont dans des processus de dégradation urbaine progressive (comme Bilbao la Vieja ou San Francisco).
Bilbao et la culture
La ville de Bilbao, au passé industriel et portuaire important basé sur l'économie de l'acier et de la construction navale, a subi les conséquences de la grande crise économique de la fin des années 70 et du début des années 80 du siècle dernier (y compris les graves inondations qui ont dévasté la ville en août 83, considérées par beaucoup comme un symbole naturel d'un déclin accéléré). La ville a mis en place, dès la fin de cette même décennie, une grande révolution urbaine afin de devenir une ville de services, avec la culture comme axe fondamental d’une stratégie pour impulser un nouveau développement économique et social durable.
Sous l’impulsion institutionnelle de la municipalité et d'autres administrations locales et régionales (le Conseil provincial de Biscaye et le Gouvernement Basque), la politique culturelle a été identifiée comme un instrument fondamental de développement global, conjointement à l'urbanisme et la durabilité.
Le point culminant de cet engagement a été l'inauguration en 1997 du siège avant-gardiste du musée Guggenheim, conçu par l'architecte Frank Gehry sur d’anciens terrains portuaires en bordure de l'estuaire, donnant ainsi naissance au désormais nommé « effet Guggenheim », un phénomène au succès mondial qui a démontré qu'un macro-projet architectural et culturel pouvait transformer un modèle de ville. Bilbao passe alors d’être « la ville du fer » (en référence à son passé industriel) à « la ville du titane » (en référence au matériau avec lequel est construit l'extérieur du nouveau musée). L'impact médiatique au niveau international est remarquable, ce qui contribue à augmenter considérablement le nombre de visiteurs reçus annuellement, supérieur à plus d'un million, générant ainsi un impact économique important.
En plus de toute la réhabilitation urbaine entreprise (avec la vieille ville et les rives de l'estuaire comme symboles les plus remarquables), d'autres équipements et projets culturels ont participé à ce tournant : la rénovation du théâtre municipal Arriaga, la construction du Palais des congrès et de la musique Euskalduna, la revitalisation du musée centenaire des Beaux-Arts, le lancement du Centre pour la société et la culture contemporaine Azkuna Zentroa – Alhóndiga, l'augmentation budgétaire consacrée à la promotion de la programmation culturelle dans la ville, etc.
>L'engagement en faveur de grandes infrastructures culturelles n'a pas négligé, comme un complément nécessaire, de considérer également la culture comme une valeur en soi, comme un droit citoyen qu’il fallait garantir, en facilitant l'accès à celle-ci pour tous les habitants de Bilbao. Le processus de décentralisation administrative déjà évoqué s'est ainsi accompagné d'une politique culturelle décentralisée, avec les quartiers comme territoire pour la culture.
Objectifs et mise en oeuvre du projet
Bilbao et ses quartiers souffraient d'un manque extraordinaire d'équipements socio-culturels hérités de l'époque franquiste. L'objectif des premières corporations démocratiques a donc été de doter les quartiers de ces infrastructures.
En réhabilitant progressivement des bâtiments existants et dédiés à d'autres usages, en reconvertissant des écoles désaffectées, ou bien en construisant de nouveaux bâtiments, la ville compte aujourd’hui avec 25 centres municipaux pour accueillir des activités culturelles et sociales, ainsi qu’un réseau de 15 bibliothèques municipales.
En moins de 30 ans, Bilbao a réussi à créer un vaste réseau d'équipements socioculturels décentralisés qui continue à être mis à jour et renouvelé avec la planification de nouvelles bibliothèques ou centres municipaux, et le remodelage ou l’agrandissement des équipements existants.
L’objectif du programme est d'offrir une série de programmes communs minimums à tous les quartiers, visant ainsi à garantir une activité stable tout au long de l'année, à assurer que chaque quartier dispose d'au moins un programme ou festival reflétant son identité, et auquel toutes les voisins et voicines s'identifient en retour.
De la même façon, les places et espaces publics de la ville accueillent différents actes culturels, principalement pendant la saison printanière et estivale, à la fois pour rapprocher encore plus la culture des citoyens que pour réaliser des activités culturelles dans les quartiers qui ne disposent toujours pas d'installations pour les recevoir. Les politiques culturelles municipales des dernières décennies ont en effet cherché à considérer la rue comme une scène naturelle, comme un espace pour permettre à de nombreux habitants d'avoir un premier contact avec la culture, en pouvant profiter de spectacles, et même de festivals de petit format, gratuits et de qualité.
Mis à part les espaces, une programmation culturelle importante a été proposée, cherchant à atteindre deux objectifs:
- Offrir dans tous les quartiers une série de programmes communs minimums pour garantir des activités stables tout au long de l'année.
- Que chaque quartier ait au moins un programme ou un festival en petit format différent, qui lui soit propre et spécifique, auquel les habitants du quartier puissent s’identifier, et qui puisse être offert à l’ensemble de la ville afin d’encourager le public d'autres parties de la ville à s’y déplacer, transformant ainsi le quartier en « centre-ville » pendant au moins quelques jours.
L'administration municipale n'a pas parcouru ce chemin toute seule. Les associations, les collectifs et les regroupements de quartier, tant citoyen que culturel, ont été des compagnons de voyage depuis le début, à la fois lors de la conception des installations, afin de répondre aux besoins de chaque quartier, que lors de la participation à des programmes culturels décentralisés.
Ces derniers se préparent en effet conjointement avec les citoyens et cherchent à s'adapter aux demandes, intérêts et caractéristiques de chaque quartier. Pour cela, il est possible pour les habitants et les associations du quartier de formuler des initiatives et des propositions, et les Commissions socioculturelles des Conseils de quartier (des organes formels de participation à l'administration municipale décentralisée) sont informées et écoutées, et décident même directement de l’allocation d’une partie du budget disponible à la programmation d'activités.
Enfin, il faut noter que (et comment pourrait-il en être autrement ?), la politique culturelle décentralisée ne se limite pas à promouvoir la consommation culturelle, elle valorise aussi la créativité, avec l'organisation d'ateliers de différentes spécialités artistiques et la libre utilisation de locaux pour les répétitions de groupes, principalement théâtraux et musicaux, amateurs et semi-professionnels, considérant ainsi les quartiers également comme des territoires de création.
Planification événementielle
Comme nous l'avons souligné, dans la programmation culturelle décentralisée de Bilbao, il existe des programmes communs à tous les districts (ou presque), ainsi que des programmes spécifiques à chacun d’entre eux. Dans les deux cas, toutes les activités, à l'exception des ateliers, sont d'accès gratuit.
Parmi les programmes communs à tous les districts, on distingue les éléments suivants :
Arts de la scène
- Bilboko Zirkuitua : représentations théâtrales en salle par des compagnies locales, principalement amateurs et semi-professionnelles, qui présentent leurs dernières créations dans les Centres municipaux des quartiers.
- Eszena Kalera : spectacles de théâtre et d'art de rue sur les places publiques des quartiers pendant les mois d'été, correspondants aux conditions météorologiques plus clémentes.
Musique
- Bilbao Jazz District : cycle de concerts de jazz dans les Centres municipaux, qui vise à amener des groupes de renommée internationale à de nouveaux publics.
- Concerts de chorales : représentations par des groupes locaux de chorales autour de deux saisons : Concerts chorale de Noël, qui ont lieu dans différentes églises de tous les quartiers ; et Barrutiak kantari, concerts dans d'autres espaces aux mois de mai et juin.
- MusikAuzo : spectacles musicaux de rue dans différents quartiers, de toutes sortes et formats (concerts, orchestres ambulants, danseurs, etc.).
- Festival de musique sacrée.
Audiovisuel
- Un été de cinéma : projections de films, de productions récentes nationales et internationales, les nuits de juillet et août dans tous les quartiers.
Arts plastiques
- Expodistrict : initiative qui vise à amener l'art dans les quartiers de la ville et à faire connaître le travail de différents artistes, principalement locaux, à travers un cycle d'expositions temporaires itinérantes à travers les Centres municipaux des quartiers.
- Ateliers culturels : cours d'introduction à différentes spécialités artistiques et artisanales, dans les Centres municipaux.
Folklore
- Dantza plazetan : romerías populaires, kalejiras de géants et de grosses têtes, et démonstrations de danses dans les rues et sur les places par les groupes de danse et les groupes de géants de la ville.
Programmation dans les réseaux de bibliothèques
- Afin de promouvoir les habitudes de lecture chez les citoyens, en particulier parmi les jeunes, ainsi que la fréquentation des bibliothèques, différentes activités sont développées dans ces espaces, avec : d'une part, un programme destiné aux écoles avec des visites guidées pour découvrir les bibliothèques et des rencontres avec des écrivains ; et d'autre part, un programme destiné aux enfants en général avec des ateliers, des concours et des expositions bibliographiques. De même, l'offre est complétée par un programme pour un public adulte avec des conférences, des ateliers, des visites guidées de bibliothèques et des expositions bibliographiques. Il faut ajouter à cela la campagne Bibliothèques d’été, permettant à celles-ci de se déplacer dans certaines places de la ville.
Bilbao est parvenue à créer un large tissu d'équipements socio-culturels décentralisés dont l'actualisation et la rénovation se poursuit, avec de nouvelles bibliothèques et centres municioaux prévus, et une remodelation ou une extension des équipements existants.
Concernant les programmes ou les festivals de petit format spécifiques à chaque district, on distingue les éléments suivants :
Quartier 1
- La nuit des chercheurs : à l'occasion de cet événement international, qui se tient dans différentes villes européennes le dernier samedi de septembre, différentes activités ouvertes au grand public sont organisées, ainsi que des conférences dans les écoles.
- Activités en langue basque à Noël : les activités de Noël qui sont programmées dans les différents quartiers ont le dénominateur commun d'être exclusivement en langue basque, la langue de cette Communauté Autonome.
Quartier 2
- Istorio Biziak : un programme autour de la narration orale qui se déroule sur deux semaines dans différents quartiers du district.
- Spectacle de clowns à Noël.
Quartier 3
- Ateliers musicaux et audiovisuels de différentes spécialités (vidéo, photo, guitare, batterie, txalaparta, etc.), principalement destinés aux jeunes.
- Journées magiques : spectacles de rue et galas en salle dans les deux quartiers du district. Des ateliers pour les non-initiés et les professionnels complètent l'offre.
- Quinzaine théâtrale et chorale pour seniors à Noël : représentations de chorales et de troupes de théâtre composées de personnes âgées.
Quartier 4
- Bidaiarien Txokoa – Le coin des voyageurs : programme qui vise à rapprocher les citoyens (avec des conférences, des projections, des concerts, etc.) d'autres territoires et d'autres cultures, avec les voyages alternatifs comme prétexte et fil conducteur.
- Udaberriko Bertso Saioak : programme de diffusion du bertsolarisme, une tradition basque qui consiste en l'art de chanter en vers de façon improvisée pour parler ou prononcer un discours, avec des rimes et une métrique établis.
- Folk Lorea : programme de diffusion du folklore basque avec spectacles de danse, défilé de géants et de grosses têtes, etc.
- Échantillons de monologues humoristiques à Noël.
Quartier 5
- BLV- Art : programme avant-gardiste en lien avec des nouvelles formes d'expression artistique urbaine, encadré par un Plan spécial qui met l'accent sur l'action culturelle comme moteur de revitalisation du vieux Bilbao, réalisé en collaboration avec les agents culturels du secteur.
- Un estuaire de lutins : concerts et ateliers qui tentent de faire découvrir le flamenco à de nouveaux publics en présentant des artistes émergents de ce genre musical.
- Bazter Fest : programme qui vise à promouvoir le travail, la présence et la visibilité des femmes dans un genre aussi masculinisé que le hip-hop.
- Activités de rue à Noël.
Quartier 6
- Musique de poche : concerts en petit format par des groupes locaux émergents de différents genres.
- La musique m'amuse : petit cycle de concerts pédagogiques également de genres différents.
- Journée européenne de la musique : concerts de rue avec des élèves d'écoles de musique pour célébrer cette journée (21 juin) célébrée dans différentes villes européennes.
- Mila Musika Haria : série de concerts mettant en vedette la guitare et les instruments à cordes.
- Séances de contes de Noël.
Quartier 7
- Cycle de théâtre d'humour : représentations de théâtre humoristique en salle.
- Zirkualde : festival de cirque de rue contemporain, de petit format, sur la place principale du quartier. Il s'agit du seul festival de cirque organisé au Pays Basque.
- Spectacles de cirque en salle à Noël.
Quartier 8
- Clown Zorrotza : un festival de clown de rue, de petit format, qui a lieu sur la place principale du quartier de Zorroza.
- Plazarik plaza : programme de diffusion du folklore, aussi bien basque que celui d’autres communautés, qui compte toujours avec la présence d'un groupe invité, et qui consiste en des spectacles de danse, un défilé de géants et de grosses têtes, des spectacles pour enfants, etc.
- Petit spectacle de théâtre à Noël.
Comme mentionné, une grande partie des programmes et festivals identifiés ci-dessus sont élaborés en collaboration avec les associations du district concerné.
Évaluation
Enfin, quelques données de base, extraites du Rapport 2019 de la Direction de la culture de la Ville, nous donnent une idée approximative de l’engagement municipal envers la programmation culturelle décentralisée :
- Nombre total d'activités dans les quartiers : 907
- 335 manifestations culturelles, 102 expositions, 34 ateliers d'art et d'artisanat et 436 activités du réseau des bibliothèques municipales.
- 849 de ces activités ont été gratuites ; 94 se sont déroulées dans la rue et les places publiques.
- Le nombre total de personnes ayant participé aux activités était de 77 789, dont 27 504 ont assisté aux événements programmés par le Réseau des bibliothèques municipales (sans compter leurs services de base pour les visites, les prêts, etc.).
- Le budget total de la programmation culturelle décentralisée était de 994 350 € (hors personnel et dépenses de publicité).
En savoir plus
La municipalité de Bilbao assure la vice-présidence de la Commission culture de CGLU. Ce document a été préparé par la Direction de la culture de Bilbao en janvier 2020.
Site web : www.bilbao.eus
Contact : cultura (at) bilbao.eus