Faire avancer la culture
1. Ramallah et la culture
L’initiative de la municipalité de Ramallah visant à élaborer une politique culturelle participative, finalisée en mars 2022, reflète une compréhension de la culture comme outil de résilience et de résistance. La politique culturelle répond à une directive essentielle de la ville : la libération de la Palestine. Le récit palestinien met l’accent sur la lutte permanente des Palestinien·ne·s contre l’occupation, notamment lors de la commémoration de la “Nakba de 1948” et de la guerre qui s’en est suivie à Gaza et en Cisjordanie dès la fin de l’année 2023. Il met également en lumière des défis tels que le déplacement des populations, le nettoyage ethnique, le vol du patrimoine culturel, l’exil forcé et la négation des droits humains, civils, nationaux et historiques.
La culture apparaît comme un élément central de la résistance palestinienne contre l’occupation, permettant de préserver l’identité, la mémoire et le lien avec la terre et le patrimoine. Malgré les défis posés par l’occupation, les Palestinien·ne·s font preuve de résilience en s’appuyant sur les pratiques culturelles pour maintenir le récit collectif et la cohésion sociale. La politique culturelle de Ramallah, flexible et sensible au contexte et aux besoins locaux, témoigne de manière louable de l’importance de s’adapter à la situation actuelle et de relever les défis spécifiques auxquels la population est confrontée.
Malgré les défis posés par l'occupation, les palestinien·ne·s font preuve de résilience en s'appuyant sur des pratiques culturelles pour maintenir la cohésion sociale et le récit collectif.
2. Objectifs et mise en oeuvre du projet
2.1. Objectif principal et spécifiques
Il s’agit d’un programme réactif lancé en réponse à la guerre contre la Palestine, les crimes de génocide à Gaza et les politiques de nettoyage ethnique en Palestine. Il s’agit d’un effort conjoint de la municipalité, des organisations de la société civile, des initiatives sociales et des activistes pour contribuer, par le biais de la culture et des activités sociales, aux efforts de documentation du récit des Palestinien·ne·s en ces temps difficiles, pour agir contre l’occupation et pour faire entendre la voix de la Palestine et révéler les crimes de l’occupation.
Le programme met en place des interventions stratégiques ainsi que des programmes et activités temporaires qui renforcent les liens et les efforts collectifs de la population et redonnent de la force aux sociétés lorsqu’elles s’unissent pour atteindre un objectif national.
2.2. Développement du projet
La ville vise à renforcer sa résistance, sa résilience et sa cohésion sociale :
- Mettre en place les nouvelles infrastructures stratégiques nécessaires au développement de la scène culturelle et du récit collectif palestinien ; créer des mécanismes qui favorisent l’inclusion et augmentent les interventions culturelles et sociales répondant à la situation actuelle ; créer des politiques qui soutiennent l’esprit d’entreprise, la créativité et l’innovation ; assurer l’éducation à tous les niveaux et la professionnalisation des pratiques culturelles et créatives ; améliorer l’accès, renforcer les possibilités de création et de diffusion des arts, et augmenter la participation à la vie culturelle ; promouvoir et soutenir la culture au sein de la ville et fournir un cadre pour soutenir les organisations de la ville ; créer divers programmes et initiatives impulsés par les communautés au travers de partenariats horizontaux ; utiliser l’espace public.
- Créer le musée des médias Shireen Abu Aqleh (SAMM) en 2026, du nom de la journaliste emblématique décédée, abattue par un tireur d’élite israélien en 2021. Le SAMM devrait proposer de nombreux programmes, notamment un programme éducatif destiné aux jeunes et visant à créer des contenus numériques éthiques.
- La production de l’exposition du musée de la ville est en cours, et se concentre sur le récit de l’histoire sociale de Ramallah sous différentes perspectives. Le programme éducatif est conçu pour encourager la recherche sur les récits locaux.
- Le hub d’innovation pour la jeunesse de Ramallah : une plateforme qui accueillera de jeunes entrepreneur·se·s dans le cadre d’un processus qui vise à garantir le suivi et le soutien de projets créatifs qui contribuent aux besoins locaux et aux ressources locales.
- Les studios d’artistes et bourses pour les jeunes artistes ayant des projets artistiques communautaires qui mettent l’accent sur la situation actuelle en Palestine
La ville a également développé :
- Des programmes culturels participatifs dans les écoles de Ramallah, dirigés par des artistes et des écrivain·e·s professionnel·le·s, axés sur la “Nakba de 1948”, l’”Indépendance” (naissante) et les “lectures du patrimoine culturel”, ces dernières portant sur les bâtiments historiques occupés à Ramallah par les personnes réfugiées ayant été forcées d’immigrer des villes en 1948. Les élèves font l’expérience de lectures, de discussions, de présentations en faisant preuve d’imagination, de création, et ayant le choix du support qu’ils ou elles souhaitent utiliser (littérature, théâtre, musique, danse, peinture, illustration, photographie, films, podcasts, etc.) Ces programmes ont été conçus dans le cadre d’un processus participatif auquel ont participé des éducateur·ice·s, des artistes, des activistes et des intellectuel·le·s, en plus du personnel du département culturel.
» Équiper certaines écoles publiques d’une infrastructure intelligente permettant à certains enfants de Gaza de suivre un enseignement à distance. - Le conseil municipal des jeunes de Ramallah (15-17 ans) – un organe élu par les écoles de Ramallah – a travaillé sur une campagne de solidarité avec Gaza (création d’une chanson, de films d’animation, d’affiches, de vidéos et d’activités de diffusion pour la “journée de la terre”).
- Soutenir la production culturelle.
- Soutenir les activités culturelles communautaires, telles que le stand de remerciement aux Sud-Africains sur la place Mandela à Ramallah pour leur contribution au soutien de la Palestine à la Cour internationale de justice.
- Soutien à l’initiative citoyenne “Campagne d’aide pour le Ramadan en coopération avec les municipalités voisines, les institutions de la ville et le Croissant-Rouge en Palestine”.
- Soutenir l’initiative d’un groupe d’artistes visant à créer un lieu d’attraction local pour les événements de solidarité avec Gaza (dans le prolongement de la campagne “rendez la parole à Gaza”).
- Aux côtés de la fondation Qattan, du centre culturel Sakakini, de Riwaq et du musée palestinien, le lancement de l’initiative “Espaces” avec un appel ouvert à documenter la situatuion à “Gaza”, y compris le partage de ressources, la mise à disposition d’espaces, l’offre de mentorat, etc. En outre, la ville s’est associée au Musée palestinien et à l’Institut d’études palestiniennes dans le cadre du projet d’archives de la ville afin de préserver les documents d’archives relatifs à cette guerre.
- Proposition d’un fonds collectif à partir des budgets des festivals pour le transférer dans des bourses ouvertes adressées aux artistes afin de documenter cette période importante de l’histoire de la Palestine, et de les soutenir financièrement.
- Connexion avec les villes jumelées pour la campagne de lutte contre la “guerre contre Gaza”.
- Création d’un budget d’urgence au début de la guerre, ce qui signifie que tous les fonds alloués pour 2024 seront utilisés en fonction des priorités.
Bien que le budget des projets du département culturel représente près d’un tiers du budget annuel des programmes, les obstacles sont nombreux. Les ressources financières allouées sont bien inférieures aux besoins en raison de la guerre et de la mauvaise conjoncture économique, de la réduction des salaires des fonctionnaires, de la limitation des subventions internationales, etc. Cependant, Ramallah croit en la culture comme pilier principal de la cohésion sociale et d’un monde durable.
La culture apparaît comme un élément central de la résistance palestinienne contre l'occupation, permettant de préserver l'identité, la mémoire et le lien avec la terre et le patrimoine.
3. Impacts
3.1. Impacts directs
Grâce à une analyse approfondie des ressources de la ville et des initiatives existantes, le programme a mis en évidence le potentiel d’un soutien systématique au secteur culturel et a permis aux citoyen·ne·s de s’exprimer, d’agir, de participer et de s’impliquer activement dans des projets mis en oeuvre à différents niveaux, ce qui a eu un impact sur l’intégration de la communauté locale.
Pour le secteur culturel de Ramallah, ce projet a été une excellente occasion de reconsidérer les activités existantes, de vérifier les ressources disponibles, d’identifier les besoins et d’avoir un impact cohérent sur le développement pour le présent et l’avenir.
La municipalité estime que, face à l’incertitude et à l’urgence, la culture est un outil essentiel pour affirmer sa propre identité, en préservant les valeurs de la diversité, de l’inclusion, de l’équité, du développement durable, de la citoyenneté active, de l’égalité des sexes et de la liberté intellectuelle.
3.2. Évaluation
Une évaluation complète du projet sera mise en oeuvre d’ici la fin de l’année 2024. Une analyse des ressources détenues sera également répétée et comparée à celles de 2023. En outre, la municipalité procédera à une auto-évaluation basée sur la réalisation des objectifs primaires et détaillés, la mise en oeuvre de 17 ODD et la mise en oeuvre des engagements de Culture 21 Actions.
De plus, le programme sera évalué par des représentant·e·s invité·e·s et partenaires locaux, en comparant ensuite les résultats à ceux obtenus par la municipalité. Il sera ensuite transmis à d’autres partenaires au niveau international.
3.3. Facteurs clefs
L’efficacité du projet réside principalement dans sa nature multi-niveaux et inclusive et dans sa flexibilité, invitant les citoyen·ne·s, les représentant·e·s de nombreuses d’institutions culturelles, de centres éducatifs, d’ONG, ainsi que les artistes et les communautés locales, ce qui a conduit à une situation où ils et elles se sont appropriés le projet. Ceci est également visible dans le “plan d’action” créé, dont l’offre s’adresse à un large groupe de résident·e·s.
Il était également essentiel de procéder au préalable à une analyse approfondie des ressources et des besoins, ce qui a permis de créer un large éventail de partenariats et d’apporter diverses contributions au programme, ainsi que d’impliquer d’autres entités urbaines dans les activités culturelles (affaires sociales, éducation, etc.).
3.4. Continuité
Le programme fait partie d’une politique plus large pour la ville consistant en un certain nombre d’interventions construites sur des plans d’action et il bénéficie du partage d’expériences, de connaissances et de bonnes pratiques ; de projets pilotes, de partenariats et d’initiatives associant les secteurs public et privé, et la société civile ; de programmes et de réseaux d’échanges professionnels et artistiques ; d’études, de recherches et d’évaluations de politiques et de mesures pour un développement urbain durable ; d’activités de communication et de sensibilisation.
En outre, il est intégré dans les plans annuels de la municipalité, soutenu par des fonds de base et des plans d’action.
L'efficacité du projet réside principalement dans sa nature multi-niveaux et dans sa flexibilité, en invitant le plus grand nombre d'acteurs et d'actrices possible, ce qui a conduit à une situation où ils et elles se sont approprié le projet.
4. Plus d'information
Ramallah a été reconnue comme mention spéciale pour la sixième édition du Prix international CGLU – Ville de Mexico – Culture 21” (novembre 2023 - mars 2024). Le jury du prix a rédigé son rapport final en juin 2024 et a demandé à la commission de la culture de promouvoir ce projet comme l’une des bonnes pratiques à mettre en oeuvre dans le cadre de l’Agenda 21 de la culture.
Cet article a été rédigé par Sally Abu Bakr, directrice du département de la culture et du développement social, Ramallah, Palestine.
Contact : s.abubakr (at) ramallah.ps
Site web : www.ramallah.ps