L’âme de Malmö

1. Contexte

En 2010, le bureau exécutif de la ville de Malmö a décidé de nommer une Commission ayant pour objectif une Malmö Sociale et Durable, destinée à être politiquement indépendante et chargée d’analyser en profondeur les causes de la croissance des inégalités de santé au sein de la population. Une partie de sa mission était de travailler sur des stratégies basées scientifiquement pour réduire les inégalités de santé. Le Bureau Exécutif de Malmö a justifié de plusieurs raisons pour nommer cette commission. Premièrement, il existe au sein de la ville des inégalités de santé sur lesquelles la municipalité peut influer. Deuxièmement, il existe à Malmö une volonté de travailler pour un développement durable à tous points de vue, comprenant davantage de sensibilisation et se concentrant sur la dimension sociale de la durabilité. Troisièmement, les recherches montrent qu’il est possible de réduire les inégalités en matière de santé en se concentrant sur les conditions structurelles de la santé, dits déterminants sociaux.

L’écart entre les groupes qui ont le meilleur et le moins bon état de santé a augmenté de manière importante. La différence entre les espérances de vie moyennes est de 4 ans et demi pour les femmes et de 5 ans et demi pour les hommes au sein des différents quartiers de Malmö. Ces différences ont augmenté au cours des 20 dernières années. Et cela malgré le fait qu’à Malmö, la santé moyenne s’est considérablement améliorée durant la même période. Le développement de la santé et du bien-être a pu être suivi par le biais de rapports annuels sur le bien-être. Parallèlement, il existe parmi les responsables une forte volonté de créer une ville écologiquement, économiquement et socialement durable. La mission principale de la commission consiste ainsi à transformer Malmö en une ville durable, ce qui explique pourquoi la commission a été appelée la Commission pour une Malmö Sociale et Durable.

Étant donné les grands écarts entre les conditions de vie de la population, la commission a été amenée à examiner pourquoi les contrastes ne sont pas plus grands encore. La réponse est en partie due au secteur culturel très dynamique de Malmö, mais aussi à son secteur de volontariat, avec ses associations et organisations indépendantes. Ces domaines agissent comme un ciment – liant la ville ensemble et influençant la santé de la population, sa participation et sa cohésion. Les chercheurs de la commission ont constaté que l’intégration sociale et le sens de la participation sont différents du système d’intégration et de participation actuels, qui impliquent par exemple, le fait d’avoir un emploi, d’être un citoyen ou d’aller à l’école. Au centre de ces deux perspectives se trouve le concept de confiance. Une confiance renforcée est une manière sûre de parvenir à l’augmentation de la sécurité, de la santé et du bien-être. La commission joue avec le concept élargi de la culture, ce qui implique la créativité individuelle, l’expression artistique, la nature et l’environnement. La culture, en ce sens, signifie non seulement de prendre part à des événements culturels traditionnels, mais également d’assurer l’auto-expression artistique sous diverses formes ; la culture implique la participation, l’engagement, la sécurité et la confiance.

INVESTIR DANS LES CITOYENS DOIT ÊTRE CONSIDÉRÉ AVEC UNE APPROCHE HOLISTIQUE. LA NOUVELLE STRATÉGIE CULTURELLE A POUR OBJECTIF DE CRÉER DES ENVIRONNEMENTS OÙ LES ARTISTES PEUVENT MAINTENIR DES INITIATIVES COLLABORATIVES DURABLES.

2. Malmö et la culture

L’une des politiques culturelles locales, appelée Kulturuppdraget (Mission Culture) correspond à un mandat politique accordé à l’ISU – Institut de Développement Durable – par la Municipalité en 2011 pour « examiner la culture en tant que 4ème dimension du développement durable urbain ». L’institut est né d’une entreprise commune entre la Ville et l’Université de Malmö, et traite de la durabilité urbaine dans une perspective holistique, ce qui implique des questions écologiques, économiques, sociales et culturelles. Le département de la culture est membre du Bureau de l’ISU et le département peut prendre des mesures basées sur une vue globale de la ville, de la société civile et de la vie culturelle au travers des évaluations et des suggestions de la Commission de Malmö, ainsi que des initiatives prises au fil du temps.

En 2005, Malmö a établi le réseau K21 – « Culture et Agenda 21 ». Cela a été initié conjointement par le Département de l’Environnement et l’ONG (Organisation Non-Gouvernementale) MANC (Humain, Art, Nature, Culture). K21 s’est développé pour rassembler différentes organisations telles que l’Université de Malmö, l’ISU, Damanco ou le département culturel. Le réseau organisait des événements au sein desquels la culture et le développement durable étaient débattus. En 2011, il a intégré l’ISU et la Mission Culturelle. En 2013, Malmö a développé une Stratégie Culturelle Locale aujourd’hui politiquement reconnue qui doit prochainement être mise en œuvre. Celle-ci a été développée avec des centaines d’habitants pour répondre de la gouvernance locale, en tant que responsabilité partagée.

En 2010, Malmö a adopté un plan d’action pour combattre les discriminations. Le Plan d’Action contre les Discriminations vise à mettre en évidence et à lutter contre la discrimination, et à promouvoir les droits et l’égalité. En 2012, un nouveau plan d’action a été développé. Il se concentre les efforts de Malmö pour répondre des droits des minorités nationales et soutenir les droits humains. Il peut être vu comme un important complément au plan précédent. Lors de son élaboration, la ville a identifié plusieurs domaines qui s’avèrent particulièrement importants au regard des efforts de Malmö pour répondre des droits des minorités nationales – principalement au travers d’une cartographie menée par la ville en 2011 et basée sur la législation actuelle et les obligations de la municipalité dans ce cadre.

À travers le programme de « ville d’accueil pour les artistes persécutés », la ville reconnaît les droits culturels comme partie intégrante des droits humains. « Nul ne peut invoquer la diversité culturelle dans le but de porter atteinte aux droits de l'homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée ». Cela implique également des mécanismes, des outils et des ressources pour garantir la liberté de parole. Durant 5 ans, le département culturel a fait partie du développement global de la ville, créant un nouveau rôle central pour la culture, ce qui a permis de donner une légitimité aux politiques culturelles. La diversité des expressions culturelles apporte de la richesse. Un écosystème culturel large, comprenant une diversité des origines, des acteurs et des contenus, va de pair avec le dialogue et la coexistence, en tant que principes de base des dynamiques des relations entre les citoyens et les espaces publics comme espaces culturels.

3. Objectifs et mise en oeuvre du projet

3.1. Objectif principal

Parallèlement aux travaux de la commission, durant ces dernières années, les différents départements de la ville ont travaillé sur des méthodes inclusives pour assurer la participation des citoyens. « Tous sont invités à se joindre » – résume l’esprit de Malmö. La culture permet de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la transformation fondamentale et le développement nouveau de la ville. La culture, dans toutes ses significations, est la plateforme où on est invité à communiquer, à réfléchir et à réagir aux changements complexes de la société. Il est essentiel que toute la ville soit un tel espace et soit imprégnée de respect, d’égalité et de liberté de parole.

3.2. Actions

L’objectif est de créer une ville vaste et inclusive avec des politiques culturelles, adaptées à tous les citoyens. Les droits humains et le droit à la libre expression et au dialogue constructif sont impératifs pour la ville et pour la vie culturelle. Ils sont bâtis par un travail commun visant à l’égalité des genres, à la lutte contre le racisme et la xénophobie et à la compréhension des modes de construction des relations de pouvoir, ainsi qu’à la connaissance, au regard des mécanismes qui mènent à l’exclusion sociale. Quelques-unes de ces actions sont :

• Mise en place de la Commission de Malmö
• Le programme par zone
• La mission culture
• Éducation pour un développement durable
• Scène estivale de Malmö
• Le Festival de Malmö
• Ung I Sommar (stage d’été pour la jeunesse)
• Centre de Sciences de Malmö
• La stratégie culture 2014-2020
• Refuge de Malmö pour les artistes à risque.

Quelques-unes des initiatives sont ici davantage détaillées:

Initiative politique globale pour soutenir les 5 zones prioritaires via le «Programme par zone»

En soutenant le développement des 5 zones laissées pour compte de la ville, le Programme vise à renforcer la durabilité sociale et culturelle. Le Programme par zone est un engagement de toutes les administrations de la ville, en fonction du temps et des ressources de chacune. Le Bureau de la Culture a établi un budget spécifique pour financer les projets initiés à la fois par les institutions et les organisations culturelles indépendantes de la ville.

Scène d’été de Malmö « Sommarscen Malmö »

La scène estivale « Sommarscen Malmö » est un festival extérieur d’arts donnant lieu à un prix. Des concerts de grande qualité, des performances, et des cinémas sont présentés sur 40 sites et espace extérieurs différents (théâtres plein-air, parcs, environnement urbain…) et sont libres d’entrée. Sommarscen Malmö est organisé par la Ville et atteint un large éventail de la société civile. Sommarscen offre jusqu’à 200 performances pendant deux mois chaque été. Grâce à la culture en tant qu’outil, la ville se redécouvre avec un nouveau regard.

Centre de Sciences de Malmö

Le but du Centre de Sciences de Malmö est de créer un centre éducatif de sciences pour le développement durable. Le groupe cible concerne les jeunes adultes et l’objectif est d’engager aux sciences naturelles, à la technologie et au développement durable grâce à l’interaction entre les individus, l’interaction tactile au sein d’expositions et de productions, l’interaction avec des applications et des jeux. Le but ultime est de contribuer à la croissance économique de Malmö et Skåne via l’institution culturelle.

Malmö ICORN-city

Malmö ICORN-city a été d’abord initiée en 2010 comme l’une des 4 villes-refuges pour les artistes persécutés du pays (www.icorn.org). Elle est basée sur un engagement fort de la société civile, afin de garantir l’accueil sûr d’écrivains qui sont invités. Après son installation à Malmö, la première invitée a présenté au musée de la ville un concept permettant de réaliser une relecture de l’histoire à partir d’une perspective féministe. C’est ainsi que le projet « 100 ans de vie et de travail des femmes immigrantes à Malmö » est né, avec un grand investissement de nombreuses femmes de la société civile. En 2014, Malmö est devenue la première ville du réseau à s’élargir avec un 2ème programme de ville-refuge. Un musicien a été invité pour une résidence de deux ans.

LES DROITS HUMAINS ET LE DROIT À LA LIBRE EXPRESSION ET AU DIALOGUE CONSTRUCTIF SONT IMPÉRATIFS POUR LA VILLE ET POUR LA VIE CULTURELLE. ILS SONT BÂTIS PAR UN TRAVAIL COMMUN VISANT A L’ÉGALITÉ DES GENRES, LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA XÉNOPHOBIE ET LA COMPREHENSION DE COMMENT LES RELATIONS DE POUVOIR SE CONSTRUISENT, AINSI QUE LA CONNAISSANCE, AU REGARD DES MÉCANISMES QUI MÈNENT À L’EXCLUSION SOCIALE.

Une nouvelle stratégie pour la culture doit être présentée en 2014 et a été développée en étroite collaboration avec la société civile. Toutes les actions mentionnées précédemment sont en progrès. Quelques-unes sont toujours en cours, comme Ung i Sommar, le Festival de Malmö ou la Scène Estivale de Malmö. L’objet de la mise en œuvre de la Mission Culture a été de combiner les approches ascendantes et descendantes. Ainsi, avec la culture comme outil, la population est invitée à découvrir un quartier. Cependant il a été difficile d’acquérir des investisseurs et entrepreneurs lors

de la phase de mise en œuvre, notamment à cause d’une certaine suspicion, d’incompréhensions et de précautions. Par conséquent, le plan de route du projet n’est pas forcément allé de pair avec les volontés des investisseurs ou des bailleurs.

La Mission Culturelle a mis en place des collaborations avec des ONG, des artistes free-lance, des citoyens et des étudiants pour mettre en place des ateliers, des dialogues et développer des jeux, afin d’expérimenter le rôle de la culture dans le développement et le renouvellement urbain. Des orateurs tels que Mr. Ferdinand Richard, issu de La Friche de la Belle Mai, ont également fait l’objet de collaborations, ainsi que 9 autres personnes de 5 pays européens différents. Durant 4 jours entiers, ils ont dû se confronter et travailler ensemble sur le défi lancé par l’ISU : « Culture et développement urbain durable – étude de cas : Norra Sorgenfri, Malmö ». Certains obstacles aux différents projets de la politique « L’Esprit de Malmö » ont été les budgets dépendants des financements européens, des revenus du mandat municipal annuel de septembre de Malmö et de la Décennie de l’éducation au Développement Durable des Nations Unies, qui se termine en 2014.

En suivant les recommandations de la Commission de Malmö, le Conseil Municipal a récemment décidé de mettre en œuvre une politique d’investissement social dans le but de supprimer l’écart entre les conditions de vie dans la ville. Investir dans les citoyens doit être considéré avec une approche holistique. Dans la politique d’investissement social, la ville collaborera étroitement avec les organisations de la société civile, les universités et les commerces. La nouvelle stratégie pour l’égalité des genres du nouveau Département Culturel vise à ouvrir les institutions à tous les citoyens dans une perspective critique et holistique sur la normativité et l’inclusion. La nouvelle stratégie culturelle a pour objectif de créer des environnements où les artistes peuvent maintenir des initiatives collaboratives durables.

4. Impacts

4.1. Impact sur le gouvernement local

Le Département Culture participe désormais au processus de développement urbain de Malmö. Le Centre de Sciences – adoption d’une perspective différente dans la considération de ce qu’est un musée ; comment une ville peut-elle utiliser le musée via son personnel pédagogique sur la question du niveau général d’éducation à propos de l’entreprenariat et de la croissance, c’est-à-dire comment connecter la culture et la croissance à une nouvelle échelle. Le Festival de Malmö, qui est l’un des événements de la ville les plus grands, est administré et géré par le département technique des Parcs et des Rues.

4.2. Impact sur la culture et sur les agents culturels

Malmö a traditionnellement toujours été dotée d’un secteur culturel auto-organisé, riche et dynamique, avec de nombreuses galeries d’art indépendantes, des groupes de théâtre, et des festivals de film thématiques etc. Grâce à la compréhension de la relation entre les institutions culturelles et le secteur indépendant, le Bureau privilégie le financement à travers des bourses et des bourses scolaires individuelles qui s’adressent aux artistes. Également financés par la Ville, les centres d’artistes travaillant avec le textile, les médias digitaux ou de grandes constructions sont auto-organisés. Ensemble, ils forment un environnement d’infrastructures opérationnelles artistiquement et créativement inclusif.

4.3. Impact sur le territoire et sur la population

Malmö Sommarscen atteint un large public de tous les secteurs de la société et de tous les quartiers de la ville, avec un programme gratuit et très professionnel durant l’été. La ville-refuge pour les écrivains persécutés est une manière très pratique de travailler, à l’échelle locale et globale, sur les droits humains et sur la liberté de parole. La ville convie un invité pour une résidence de deux ans, lui fournissant un hébergement ainsi que la garantie de réseaux locaux et internationaux, et que l’initiative ne limite pas au discours. La responsabilité de la ville transparaît via ses actes à l’échelle personnelle et au niveau de la communauté internationale.

MALMÖ A TRADITIONNELLEMENT TOUJOURS ÉTÉ DOTÉE D’UN SECTEUR CULTUREL AUTO-ORGANISÉ, RICHE ET DYNAMIQUE. LES POLITIQUES CULTURELLES LOCALES CONSIDÈRENT L’IMPORTANCE DE LA RELATION ENTRE LES INSTITUTIONS CULTURELLES ET UN SECTEUR INDÉPENDANT.

4.4. Impacts transversaux

Le Centre de Sciences de Malmö contribue à la croissance économique au niveau régional et local, via l’engagement en sciences naturelles, technologies, éducation au développement durable et entreprenariat. Par exemple, une partie des projets visent à apprendre aux jeunes à travailler comme guides de la ville et du Centre de Sciences. L’accent est mis sur l’éducation et le développement durable, par l’intermédiaire de concepts éducatifs pour les écoles et groupes, et au travers d’expositions sur l’environnement et l’impact humain, de collaborations avec la société environnante.

4.5. Continuité

100 ans de vie et de travail de femmes migrantes à Malmö est un projet de collaboration entre l’ancienne écrivaine résidente d’ICORN, le Dialogue Féministe et les Musées de Malmö avec des chercheurs de l’Université de Malmö, et apporte un éclairage sur l’Histoire de Malmö en introduisant une perspective liée aux femmes migrantes. Les histoires seront conservées aux archives et collections du musée pour les générations futures.

Le Centre de Sciences de Malmö a été financé par l’UE durant ses 3 premières années. Depuis, le Centre est principalement financé par la ville elle-même, sans augmentation. Cela signifie que toutes les collaborations extérieures sont essentielles. La Mission Culture a été financée en tant que mandat politique ; 1 million de SEK (couronnes suédoises) par an de 2011 à 2014. L’organisation est restée la même depuis le début, c’est-à-dire qu’elle dépend de l’ISU, dans un processus de collaboration avec le département d’Art, Culture et Communication de l’Université de Malmö, ainsi que le département Culture de Malmö et l’ISU.

5. Informations relatives

La Ville de Malmö a été candidate à la première édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21 » (janvier-mai 2014). Le Jury du Prix a rendu son rapport final en juin 2014 et a sollicité la Commission culture de CGLU pour la reconnaissance de ce projet comme une pratique exemplaire de l’Agenda 21 de la culture.

Candidature approuvée en septembre 2014.

Bonne pratique publiée en octobre 2014.

Cette fiche a été rédigée par Elisabeth Lundgren, Directrice de la Culture / via Fredrik Elg, coordinateur international. Contact: soemarni_mm (at) yahoo.co.id

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