Transformation du territoire par le prisme des enjeux culturels

1. La Métropole Rouen Normandie et la culture

La Métropole Rouen Normandie totalise 500 000 habitant·e·s, et est marquée par le contraste entre urbanité et ruralité, par un tissu industriel et agricole ainsi que de nombreux et divers patrimoines. Aujourd’hui, les enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux questionnent ses modèles socio-économiques.

En 2019, le territoire métropolitain subit un accident industriel majeur, l’incendie de l’entreprise Lubrizol, qui a agi comme un accélérateur sur des mutations préalablement amorcées : politiques de transition écologique, culture du risque, respect du vivant, renaturation, mobilité, santé, alimentation, écoquartier, entente Axe Seine de Paris au Havre…, … autant de projets qui nécessitent entre élu·e·s, expert·e·s et populations partage des connaissances, coopération, créativité et respect des diversités.

L'objectif est de mettre en place des politiques publiques respectueuses des droits culturels pour contribuer à la transition écologique, sociale et culturelle, et faire que ces droits deviennent peu à peu le cadre de réflexion.

 

2. Objectifs et mise en oeuvre du projet

2.1. Objectifs principaux et spécifiques

L’objectif est de mettre en place des politiques publiques respectueuses des droits culturels, afin:

  • de contribuer à la transition écologique mais aussi sociale, pas uniquement prise sous le prisme économique mais comme nécessité de faire évoluer nos modes de relations, vers plus de démocratie, de respect des diversités, de prise en compte du vivant, de capacité à agir, de coopérations, de plaidoyers, …
  • de faire que ces droits deviennent peu à peu le cadre de réflexion : conception et mise en oeuvre des projets et actions élaborés par la Métropole, mais aussi ceux des associations, collectivités ou organismes du territoire qui le souhaitent.

Ainsi, nous nous sommes appuyés sur une méthodologie éprouvée depuis plusieurs années par notre partenaire Réseau Culture 21, qui est venu nourrir notre propre formation/action locale, intitulée « Objectif droits culturels ».

 

2.2. Développement du projet

Pour élaborer toutes ces politiques, actions ou méthodes, nous avons mis en place une formation/action, qui s’est déroulée en plusieurs étapes aux échelles nationale et locale:

  • 2021-2022 : 7 personnes de notre territoire sensibilisées aux droits culturels participent à une formation de formateurs et de formatrices proposée par Réseau Culture 21. Agents de la Métropole, d’autres communes et artistes se mobilisent dans cette démarche pendant 18 mois (3 jours tous les 4 mois environ).
  • 2021-2023 : Ce groupe porté par la politique volontariste des élu·e·s métropolitain·e·s, lance la dynamique « Objectif droits culturels » en parallèle de la candidature au titre de Capitale européenne de la culture 2028. « Objectif droits culturels » se nourrit de la méthodologie de Réseau Culture 21 avec 5 rendez-vous tous les 3 mois :
    • Constitution d’un groupe « complice » d’une quarantaine de participant·e·s qui adhèrent à la démarche et se fédèrent autour de la dynamique.
    • Deux jours de sensibilisation/introduction dédiés à la mise en jeu et à la clarification des droits.
    • Approfondissement des droits (apport théorique par droit, et études de cas).
    • Partage d’expérience (plusieurs témoignages nationaux et européens qui racontent comment la prise en compte des droits culturels dans leur réflexion a modifié leurs pratiques).
    • Capitalisation des enseignements (Analyse des différentes études de cas).

Cette formation/action, gratuite, est ouverte à toutes et tous. La première session 2021-2023 a accueilli 226 participant·e·s, issu·e·s de différents domaines : secteur culturel, urbanisme, social, éducation, santé, entreprises... et de différentes structures. En plus, l’équipe d’« Objectif droits culturels » intervient régulièrement sur demande, au sein de collectivités, tous services confondus (Participation citoyenne, Urbanisme, Prévention des risques, Solidarité, Ressources humaines) d’équipements culturels (musées, bibliothèques, théâtres, école d’art, Maison de l’Architecture), dans des cursus universitaires (Université Paris-Dauphine, Université de Rouen au sein des Masters « Direction de projets culturels », « Valorisation du Patrimoine », ...). Aujourd’hui 2000 personnes ont bénéficié de ces temps de sensibilisation. Parallèlement il est apparu incontournable d’acculturer la direction générale de la Métropole : une formation d’une demi-journée a été dispensée au directeur général des services et ses 6 directions générales adjointes. Une formation d’une demi-journée a été également proposée aux élu·e·s culture des 71 communes. Elle est à renouveler pour toucher encore plus largement.

Quelques projets inspirants issus des recherches des participant·e·s:

  • Remaniement intégral d’un festival par et pour les personnes sans domicile fixe en une programmation artistique régulière construite en lien avec les SAMUs sociaux et plus respectueuse de la dignité des personnes.
  • Actions artistiques impulsées par le Centre Dramatique National (théâtre) au sein d’un quartier en renouvellement urbain en coopération avec les habitant·e·s, les associations du champ social, les services de la ville, les écoles, les éducateurs et éducatrices de rue et de nombreux·ses artistes visant à accompagner la transformation du quartier.
  • Création d’un espace ludique Terrain d’aventures construit par et pour les enfants à Rouen.
  • Réalisation d’éclairages artistiques des quais de Seine, à Rouen en coopération totale entre citoyen·ne·s, artistes, technicien·ne·s du spectacle et entreprises.
  • Traitement du passé esclavagiste de Rouen et sa région, jusqu’à lors totalement invisibilisé, à travers une série d’expositions dans plusieurs musées, conférences, visites et actions de médiation. La recherche d’archives s’est accompagnée d’une recherche sensible et intime de familles du territoire issues de ce passé négrier (armateurs, afro-descendant·e·s).

La formation/action dans sa dimension interdisciplinaire fait émerger des projets dans tous les domaines, infusent des pratiques et les conditions favorables au respect des droits culturels.

Nous avons mis en place une formation/action, qui s'est déroulée en plusieurs étapes aux échelles nationale et locale.

 

3. Impacts

3.1. Impacts directs

2000 participant·e·s ont été formé·e·s ou sensibilisé·e·s. On constate:

  • L’effet « boule de neige » du dispositif
    • Un nombre grandissant de participant·e·s qui viennent par le « bouche à oreille ».
    • Des horizons de plus en plus élargis.
    • Des niveaux de responsabilité variés.
  • Une compréhension facilitée entre partenaires sur les projets montés, les méthodes utilisées, le vocabulaire partagé…
  • Des actions plus nombreuses et des politiques publiques plus poreuses aux droits culturels :
    • La co-construction des projets devient la norme.
    • L’interconnaissance des acteurs locaux est facilitée.
    • La gouvernance au sein des collectivités territoriales devient plus horizontale.
    • La volonté de cultiver des communs est recherchée

 

3.2. Évaluation

Les politiques publiques de la Métropole font l’objet d’un rapport d’activités annuel dans lequel figure la démarche « Objectifs droits culturels » et toutes les actions réalisées par les directions à l’aune des droits culturels. Par ailleurs, la formation/action « Objectifs droits culturels » est évaluée par le nombre de personnes touchées et la diversité des champs d’intervention (quantitatif).

L’aspect qualitatif est nécessairement primordial même s’il est complexe à mesurer : car notre démarche vient interroger les conditions de la relation des parties prenantes et leur capacité à prendre en compte les droits culturels dans leurs pratiques professionnelles. Est interrogée ici la qualité du processus plutôt que le résultat. Nous utilisons déjà une méthode d’auto-évaluation avec 10 indicateurs eux-mêmes sous critérisés tels que : l’hospitalité, la gouvernance partagée, l’organisation autour de communs, la diversité des ressources et leurs liaisons, le partage de l’information, le partage réciproque des savoirs, l’économie sociale, la capacité de travailler en écosystèmes, l’expression des héritages, la capacitation des personnes.

 

3.3. Facteurs clefs

Outre ce contexte favorable abordé, les facteurs de réussite de la démarche reposent sur :

  • Au départ, le contact personnalisé avec les participant·e·s sollicité.e.s.
  • La méthode utilisée utilisant l’intelligence collective, inclusive, ludique et participative, avec une liberté d’accès
  • Une analyse concrète des pratiques professionnelles individuelles.
  • La qualité relationnelle et pédagogique de l’équipe « Objectifs droits culturels ».
  • Le temps long qui permet l’infusion lente et durable

 

3.4. Continuité

« Objectif droits culturels » a continué ces sessions grâce à un nouveau groupe de « facilitateurs » et de « facilitatrices » repéré dans les participant·e·s de la 1ere session et une équipe de 6 nouvelles personnes (agents territoriaux, artistes…) aujourd’hui formées auprès du Réseau Culture 21 au niveau national.

Une 2ème session a donc débuté en février 2024 jusqu’en février 2025. La démarche est reconduite à l’identique même si des contenus sont peaufinés, travaillés, abondés suivant la sensibilité et les spécificités de la nouvelle l’équipe. Aujourd’hui 350 ont pu suivre cette formation.

La reproductibilité des sessions est possible grâce aux outils éprouvés, rédigés et transmissibles. Si au début les projets réalisés à l’aune des droits culturels émanaient essentiellement d’acteurs culturels, force est de constater qu’aujourd’hui d’autres directions travaillant sur des domaines d’interventions variés s’emparent du sujet et commencent à rédiger des stratégies emblématiques métropolitaines.

Cette formation/action, gratuite, est ouverte à des participant·e·s de différents domaines et de différentes structures.

 

4. Plus d'information

La Métropole Rouen Normandie a participé à la sixième édition du Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21 (novembre 2023 - mars 2024). Le Jury du Prix a publié son rapport final en juin 2024 et a demandé à la Commission culture de CGLU de reconnaître et de promouvoir ce projet comme une bonne pratique de la mise en oeuvre de l’Agenda 21 de la culture.

Cet article a été rédigé par Christine Gaillard, Directrice des Affaires Culturelles, Rouen, France.

Contact : christine.gaillard (at) metropole-rouen-normandie.fr
Site web : www.metropole-rouen-normandie.fr

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