Réseau de lecture publique contre la précarité et pour les droits culturels dans le contexte du Covid-19

1. Agadir et la culture

Située au centre-ouest du Maroc, Agadir est la capitale de la Région Souss Massa. Le Grand Agadir abrite 1 300 000 habitant·e·s. Son économie est basée sur la pêche, l’agriculture, le tourisme, le commerce et les services. Elle est classée première destination marocaine du tourisme balnéaire, et est adossée à un arrière-pays culturellement riche : Igoudars (greniers collectifs), Ksours, Kasbah, Médersas et patrimoine immatériel (danses, chants, savoirfaire divers…). L’arganier, arbre emblématique classé patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO, est un des symboles naturels et culturels locaux.

Le secteur culturel est l’un des domaines les plus touchés par la pandémie, bien que la production culturelle ait été la plus consommée pendant le confinement. Les deux médiathèques du Centre Souss-Massa ne font pas exception. Lancé en 2019, le projet de Réseau de Lecture Publique a coïncidé avec le contexte de Covid-19. Si plusieurs secteurs économiques et culturels ont été durement affectés par la crise, la culture a paradoxalement constitué un moyen de résistance et de thérapie salvatrice contre l’isolement.

L’initiative a permis aux jeunes de jouir pleinement de leurs droits culturels, notamment en matière d’inclusion sociale, de diversité culturelle, d’épanouissement personnel et de développement local. L’initiative s’inscrit dans la stratégie de l’Agenda 21 de la culture, offrant l’opportunité de créer une vision à long terme de la culture comme pilier de son développement. Le projet répond aux 17 ODD, notamment en matière d’éducation et de droits humains. Au niveau national, le projet s’inscrit dans la logique de l’Initiative National du Développement Humain qui met la culture au coeur de sa stratégie.

L’objectif général est d'encourager la lecture auprès des enfants et des jeunes de quartiers défavorisés.

2. Objectifs et mise en oeuvre du projet

2.1. Objectifs principaux et spécifiques

L’objectif général du projet est d’encourager la lecture auprès des enfants et des jeunes de quartiers défavorisés. Le Réseau vise à répondre aux attentes et aux besoins directs d’une population récemment installée et vivant dans la précarité en matière de lecture publique et de culture.

2.2. Développement du projet

Dans les médiathèques, plusieurs activités parallèles sont programmées, telles que des ateliers de contes, d’écriture, de théâtre, de cinéma, de chant, de dessin, et de travaux manuels. Cette diversité d’activités permet aux jeunes de se retrouver, d’apprendre et se divertir loin des restrictions liées au confinement. La population cible est constituée d’enfants (à partir de six ans) et de jeunes issus d’un quartier défavorisé et éloigné du centre. Une attention particulière est accordée au genre dans une perspective d’égalité des chances. Si l’accès à la culture est la cible du Centre, l’encouragement de la lecture en constitue le levier principal, avec le slogan « La Lecture pour Tous ».

Il a été nécessaire de conjuguer les efforts de plusieurs intervenants pour mettre en place ce Réseau de manière efficace, ce qui en fait un exemple de symbiose entre Société Civile et Pouvoirs Publics. La Commune avait en charge l’acquisition du terrain, l’INDH, celle de la construction et la mise à disposition des premiers équipements, le Centre Souss-Massa, celle de la gestion globale, le financement étant assuré par le Conseil Régional.

L’approvisionnement et l’actualisation du fonds bibliographique et documentaire étaient essentiels, notamment les achats effectués par le Centre selon les demandes, et les sollicitations des institutions universitaires dont les étudiant·e·s fréquentent également les médiathèques.

Le Centre est néanmoins confronté à deux défis majeurs : d’une part, répondre au flux de demandes d’adhésion, dont le nombre a déjà atteint plus 1 200 au Quartier Mohammadi et plus de 300 au village d’Aourir au nord d’Agadir (capacité d’accueil, taux d’encadrement et d’accompagnement) ; et faire face à l’augmentation des demandes. Pour répondre à ces attentes, il a fallu réaménager les espaces et équipements spécifiques. Des projets sont également soumis par des auteurs ou chercheurs universitaires à l’Institution dans le cadre de la mission d’encouragement et de promotion de la publication de livres.

Les rencontres encourageantes tenues par le centre ont révélé la nécessité d'élargir l'expérience à d'autres territoires, notamment en situation de précarité culturelle.

3. Impacts

3.1. Impacts directs

La réussite de l’initiative tant au regard du nombre d’adhérent·e·s que des activités culturelles organisées a trouvé écho auprès du Comité préfectoral de l’INDH, du Conseil Régional et du Conseil Communal. Les rencontres encourageantes tenues par le Centre avec les différentes instances ont révélé la nécessité d’élargir l’experience à d’autres territoires, notamment en situation de précarité culturelle. Les médiathèques offrent aux acteur·rice·s culturel·le·s un espace pour organiser périodiquement leur activités. La population y trouve un lieu où les enfants et les jeunes s’épanouissent entre livres et actions culturelles. Le Centre garantit ainsi l’accès à la culture sans
discrimination (religion, origine, sociale ou culturelle, de couleur, ou de genre).

Le centre garantit l'accès à la culture sans discrimination (religion, origine, sociale ou culturelle, de couleur ou de genre).

3.2. Évaluation

Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer le projet, dont le taux de fréquentation du Réseau et la satisfaction des familles. Les demandes d’inscription dépassent largement la capacité d’accueil et les entretiens informels avec les parents ont démontré l’impact positif du Réseau, notamment sur le fait que les enfants et les jeunes vivent moins la pression générale de la pandémie et ont trouvé dans les activités culturelles un refuge et un soulagement psychologique. Pour une évaluation plus méthodique, un questionnaire préparé selon les normes sociologiques devrait être distribué aux usagers et leurs familles. Un registre sera également proposé pour laisser des impressions et commentaires sur le projet.

3.3. Facteurs clefs

Le projet des deux médiathèques était une nécessité depuis plusieurs années. La levée du sentiment de discrimination chez les jeunes et moins jeunes est en soi un facteur de réussite de l’implantation in situ de ces foyers de proximité. La grande demande et la forte occupation des espaces est également un signe positif. Une nette amélioration scolaire des adhérent·e·s des deux médiathèques a été observée, de même qu’un net épanouissement personnel chez les jeunes lecteurs. D’autres preuves du succès de nos programmes sont : les dons de documents, l’encadrement bénévole des  adhérent·e·s par des artistes et des chercheurs, les couvertures médiatiques des activités du Centre (radio, télévision et réseaux sociaux).

3.4. Continuité

Un budget annuel d’environ 50 000 euros est accordé au Centre pour assurer sa mission, et ce au titre des années 2023, 2024, 2025. Le Centre est géré par un bureau exécutif de 5 membres et un Conseil d’administration de 15 personnes. Le staff administratif est composé d’un directeur, une assistante de direction, 5 animateurs (2 hommes et 3 femmes) et une femme de ménage. Le soutien institutionnel à ce projet est en soi une garantie de sa continuité qui s’ajoute à la présence de ressources humaines qualifiées en matière de gestion des espaces culturels.

4. Plus d’informations

Agadir a été candidate à la cinquième édition du « Prix International « CGLU – Ville de Mexico – Culture 21 » (février – juin 2022). En septembre 2022, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en oeuvre de l’Agenda 21 de la Culture.

Cette fiche a été réalisée par Hassan Benhalima, Président du Centre Souss-Massa pour le Développement Culturel, Centre Culturel Mohamed Abzekka – Hay Mohammadi, Agadir, Maroc.

Contact : Culture.smd (at) gmail.com
Site web : www.agadir.ma

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