Galerie d'Art public Quinta do Mocho

Contexte

Loures est une municipalité portugaise qui borde la capitale Lisbonne. Bien qu’elle soit l’une des villes les plus peuplées du pays, son territoire est très divers et asymétrique, avec une zone principalement urbaine et peuplée à l'est et une zone au nord marquée par la ruralité et une faible démographie. C’est également un territoire de banlieue avec une grande part de sa population en situation défavorisée, souvent en raison du phénomène de migration, où la pauvreté, le chômage et l’exclusion ne cessent de croître.

Déterminée à envisager cette diversité comme un facteur de développement potentiel, la municipalité a pris un véritable engagement pour parvenir à la cohésion sociale, au respect de l'individu et des droits humains dans son travail au quotidien, comme le stipulent les principaux documents et conventions internationales ratifiés par le Portugal en tant que nation.

Quinta do Mocho est l’un de ses territoires périurbains les plus marginalisés. Défavorisé tant du point de vue social que du point de vue économique, ce quartier de relogements est principalement composé d'immigrant·e·s de deuxième génération.

Ceci a mené Loures à chercher des solutions efficaces, concertées et participatives à ses problèmes sociaux, en s’appuyant sur les réseaux et structures existantes qui promeuvent l’intégration et l’inclusion sociale, et observer les bonnes pratiques qui viennent d’autres territoires du monde faisant face à des problèmes similaires.

Outre les activités spécifiques organisées dans les quartiers marginalisés, la galerie d'art public Quinta do Mocho (GAP) fait partie d'une stratégie plus étendue s'appuyant sur la démocratisation des arts, mise en place sur tout le territoire de Loures.

Loures et la culture

De nos jours, nombreuses sont les municipalités à considérer les graffiti et autres formes de peintures murales comme un vecteur de réhabilitation des bâtiments et de mise en valeur de certaines zones. En plaçant l’art urbain comme l’une de ses marques depuis de nombreuses années, Loures a été en première ligne de cette démarche.

La Galerie d’art public Quinta do Mocho (GAP) est l’expression d’une philosophie d’action, qui va croissant à Loures ces dernières années et se focalise sur l’art et ses différentes formes d’expression comme instrument de promotion de l'intégration et de l’inclusion sociale. À Loures, ceci s'est concrétisé par le théâtre, la danse, la musique, la sculpture et, plus récemment, sous l’angle de l’art urbain, en particulier sous forme de fresques murales. En 2013, une première expérience a été réalisée dans un quartier social de Loures, sur différents logements sociaux.

Le projet GAP voit le jour principalement grâce à deux projets, tous deux financés par des fonds européens et mis en oeuvre en 2011 et 2014 : « Territórios Invisiveis » (2011) et « Festival o Bairro i o Mundo » (2014). Ces deux projets partageaient certains de leurs objectifs généraux : contribuer, au travers de l’art, à l'intégration et à l'inclusion sociale des groupes et territoires marginalisés et exclus ; apporter de la visibilité à des territoires méconnus, en faisant disparaître les stéréotypes et idées préconçues concernant ces lieux et leurs habitant·e·s ; accroître l’estime de soi des habitant·e·s et leur confiance, en leur donnant des outils pour modifier leur perception d’eux/elles-mêmes et de leur lieu de résidence.

La GAP a été créée à l’occasion du festival 2014, sous forme de Galerie publique exposant 25 peintures, avec une résidence artistique. C’est au vu du succès et de l'impressionnante demande que la GAP a rapidement grandi, rompant le format initialement planifié : à partir de 2015, elle a commencé à faire connaître de nouvelles peintures, à organiser des visites guidées (par sept jeunes vivant dans le quartier, après avoir reçu une formation adéquate) et tenir des assemblées de la communauté avec les habitant·e·s.

À la fin de 2017, la GAP réunissait 82 oeuvres, peintes par 75 artistes de 11 nationalités différentes. Depuis sa fondation (2015), 152 visites guidées ont été menées et près de 6400 personnes ont participé à ces visites.

Objectifs et mise en oeuvre du projet

Objectifs principal et spécifiques

La Galerie d’art public Quinta do Mocho a trois objectifs : i) l’inclusion et l’intégration sociale ; ii) la requalification urbaine ; iii) la promotion de l'art urbain et de ses artistes. Ces trois objectifs se complètent mutuellement et permettent à la municipalité de mettre en place des actions transversales.

Les objectifs spécifiques sont les suivants

  • Améliorer les relations dans les quartiers ;
  • Promouvoir une coexistence pacifique entre les différentes communautés ;
  • Faire diminuer le niveau de criminalité ;
  • Changer l'image sociale du quartier ;
  • Ouvrir le quartier à d’autres personnes ;
  • Améliorer les possibilités pour les entreprises locales ;
  • Démocratiser l’art ;
  • Une meilleure reconnaissance et de meilleures opportunités données aux artistes locaux·les ;
  • Promouvoir les liens entre les artistes et la communauté ;
  • Sensibiliser les artistes à l’importance de leur rôle dans la transformation sociale des communautés marginalisées.

Développement du projet

Principales actions réalisées

La réussite des deux projets susmentionnés financés grâce à des fonds européens a permis à Loures de prolonger l’intervention municipale dans le temps, qui s'est concrétisée avec la création de la Galerie d’art public Quinta do Mocho (GAP). Avec plus de 80 oeuvres de grandes dimensions dispersées dans tout le quartier (et ayant pour titre par exemple Astro, Bordalo II, Mar, MTO, Noman, VHILS, RAM ou Zabou), et plus d’une trentaine d’artistes ayant envoyé leur candidature au programme, la GAP Mocho est l’une des meilleures galeries d’art public en Europe. Venant principalement de l’étranger, les artistes travaillent gratuitement, avec un accès gratuit aux matériels et sont invité·e·s à sensibiliser le public à l’importance de l'inclusion dans le monde de l’art, et sa pertinence en termes d'intervention sociale.

La population bénéficiaire était d'abord composée des habitant·e·s de la communauté multiculturelle de Quinta do Mocho, un territoire anciennement associé à la délinquance et au crime et stigmatisé depuis des années. La population relogée provient en grande majorité de pays africains anciennement colonisés par le Portugal (Angola, Cap-Vert, Guinée Bissau, Mozambique et Sao Tomé-et-Principe). Malgré une certaine méfiance de la part de la population au début, le projet a ensuite été largement discuté lors de plusieurs assemblées de la communauté, et les habitant·e·s se sont impliqué·e·s progressivement dans le projet.

La principale action menée dans le cadre de la GAP est la création de la Galerie d'art elle-même en février 2015. Plusieurs artistes du Portugal et d’ailleurs étaient présent·e·s à l'inauguration, et un groupe de jeunes résident·e·s a été formé à guider les visiteur·se·s dans toute la galerie.

En s'appuyant sur la réussite de la création de la GAP, les responsables municipaux.les ont décidé ces deux dernières années d'entreprendre des initiatives d'art public avec l'organisation d'autres événements majeurs annuels : deux festivals d'art public d'une durée de 10 jours, et plusieurs événements artistiques sur les arts tels que la photographie et la sculpture.

Bien que la plupart des visites aient été organisées par la Municipalité, deux autres entités conjointes ont également participé, dans le périmètre de leurs propres objectifs.

Les coûts du projet ont été principalement pris en charge par la Municipalité, avec un certain soutien du secteur privé, en particulier de la part de Robbialac, une fabrique de peinture et Alugatudo, une entreprise de grues. Les festivals ont également bénéficié du soutien de Rodoviária de Lisboa, une compagnie de transports et de Plural Entertainment, une société de production audiovisuelle.

Depuis sa fondation, les coûts de la GAP relèvent du budget municipal pour l’art public de Loures, à hauteur de 100 000 € en 2016 et 2017.

Impacts

Impacts directs

Impact sur le gouvernement

La galerie a constitué une opportunité pour le gouvernement local d’entamer des pratiques participatives et d’impliquer la communauté dans la prise de décisions locales.

Impact sur la culture et les acteurs culturels locaux

Ce projet a joué un grand rôle dans la réhabilitation urbaine, et a endossé une grande responsabilité dans la conservation des logements par les habitant·e·s.

Impact sur le territoire et la population

Ce projet a changé la façon dont les gens voient Quinta do Mocho. La coexistence de la communauté est devenue beaucoup plus apaisée et aujourd'hui, il est possible de visiter le quartier en toute sécurité. La création de la galerie d’art a également attiré nombre de visiteur·se·s de tout le pays et du reste du monde.

La plupart des stéréotypes et des préjugés largement relayés par les médias nationaux concernant le quartier et sa population ont disparu et Quinta do Mocho jouit d’un prestige inconnu jusqu’ici. Le nombre de visiteur·se·s dépasse celui des musées et des autres installations culturelles, illustrant l’adhésion et l'impact de cette nouvelle forme d’art.

Une légère amélioration dans le chiffre d'affaires local (cafés, pâtisseries, grills, supérettes) a été ressentie, tout comme un investissement dans la gastronomie africaine et la vente de rue de produits alimentaires africains, en raison de l’augmentation du nombre de visiteur·se·s.

Évaluation

Initialement, aucune évaluation n’était prévue pour ce projet. Toutefois, suite au succès et à l’adhésion au projet GAP de la part des artistes et du grand public, un bref questionnaire a été rapidement rédigé et distribué aux participant·e·s des visites guidées. Les résultats qui en découlent montrent que :

  • 55 % des interrogé·e·s affirment que la GAP était la principale raison de leur visite, alors que 27 % ont déclaré qu’il·elle·s étaient venu·e·s visiter le quartier de Quinta do Mocho ;
  • 40 % des participant·e·s affirment qu’il·elle·s ont pris connaissance de la GAP grâce aux médias de la municipalité de Loures ;
  • 96 % ont déclaré que la durée de la visite était adéquate, 91 % qualifiant la performance des guides de « bonne ».
  • 98 % ont exprimé leur volonté de revenir à la GAP et 99 % recommanderaient cette visite à leurs ami·e·s.

L'expérience et les leçons tirées jusqu'ici ainsi les liens avec les artistes nationaux.les et étranger.ère.s ont permis à la municipalité d'être reconnue par la communauté des artistes comme une référence en termes de soutien et de diffusion de l'art urbain.

Facteurs clefs

Plusieurs facteurs expliquent simultanément la réussite et l’efficacité de la GAP :

  1. Sa continuité : ce projet fait partie d’une politique plus large, structurée et participative mise en oeuvre à Loures qui, depuis des années, envisage l’art comme un important instrument de promotion de l'intégration et de l'inclusion sociale ;
  2. L’assimilation et l’appropriation du projet par la communauté locale, les artistes et également par plusieurs entités (publiques et privées) qui ont adhéré au projet (les assemblées de la communauté jouent tout particulièrement un rôle primordial).
  3. Un plan efficace de communication et de diffusion, montrant les résultats du travail effectué afin de promouvoir la croissance de ce projet.
  4. L'initiative de la GAP vise, au-delà de la dimension sociale, à parvenir à la multiplicité des objectifs (économique, humain, urbain, etc.), qui est fondamentale à la réussite du projet, pour l’implication de plusieurs acteur·rice·s dans cette idée, ainsi que l’appropriation des objectifs du projet.

Continuité

Dans le cadre d’une stratégie plus large ayant été mise en place ces dernières années, la GAP de Quinta do Mocho n’est plus considérée comme un « projet » mais plutôt comme un domaine complet d’activité de la municipalité de Loures.

C’est encore plus vrai si l’on prend en considération le fait que l'art public à Loures, dont la GAP fait partie, a ses propres ressources humaines et budgétaires. Actuellement, deux technicien·ne·s travaillent de façon permanente dans la zone (cette équipe s’est agrandie en certaines occasions) et la subvention municipale attribuée à l’art public à Loures (qui couvre les coûts de la GAP) atteint les 87 000 €.

Les activités planifiées comprennent la réalisation de nouvelles fresques, avec l'invitation de davantage d’artistes du monde entier, la requalification de certaines des anciennes peintures et la poursuite des visites guidées tous les derniers samedis du mois.

En savoir plus

Loures a été candidate à la troisième édition du Prix international CGLU-Ville de Mexico-Culture21 (novembre 2017 - mai 2018). En juin 2018, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en oeuvre de l'Agenda 21 de la Culture.

Cette fiche a été rédigée par Carla Barra, directrice du département de la cohésion sociale et du logement, Loures, Portugal

Contact : carla_barra@cm-loures.pt
Site web : www.cm-loures.pt 

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