Charte coopération culturelle pour une Ville durable de Lyon
1. Contexte
Lyon, 500 000 habitants, est la ville centre de la collectivité “Métropole de Lyon” rassemblant 59 communes et 1,4 millions de personnes. C’est un territoire dynamique économiquement, avec une forte présence universitaire et un cadre de vie agréable, un territoire de convergence de populations avec plusieurs vagues migratoires. Ville d’histoire, classée au patrimoine de l’Unesco et membre du réseau des Villes Créatives, elle présente un paysage culturel dense et diversifié.
Engagée dans la recomposition administrative territoriale avec la métropole, elle est confrontée aux défis majeurs urbains, sociaux, environnementaux de son développement et aux nouvelles contraintes budgétaires des collectivités locales. Depuis 30 ans, Lyon s’engage dans des politiques de cohésion urbaine et sociale, de solidarité visant à résoudre ces disparités et depuis 10 ans, dans des stratégies locales de développement durable pour faire face aux défis contemporains
La Charte de Coopération Culturelle est née dans un contexte de mobilisation des politiques publiques en direction de territoires prioritaires de la Cité au regard de critères sociaux, économiques et urbains: la « Politique de la Ville ». Elle a ensuite évolué pour répondre à l’ensemble des éléments pouvant contribuer à la construction collective de la ville durable. Dans ces politiques, la culture a toujours eu une place singulière et affirmée avec force.
Le réseau des grands établissements culturels ne pouvait être pensé en dehors de cette dynamique et joue un rôle significatif. Ceux-ci doivent apprendre à mobiliser leurs compétences en direction des territoires les plus précaires. Les politiques de cohésion sociale et urbaine, culturelles et festives s’articulent et l’impact positif de l’art, de la culture et des patrimoines sur le développement de la cité est partagé par les parties prenantes.
Par ailleurs, des services municipaux organisent un groupe de réflexion sur le développement durable, initialement centré sur les problématiques énergétiques et environnementales. Ce groupe de réflexion progresse et les journées de réflexion intitulées « Culture, politique de la ville, développement durable : vers un horizon commun » enclenchent la transition. En 2012, la 3ème Charte de Coopération Culturelle élargit l’engagement des établissements culturels à l’ensemble des problématiques pour la ville durable. La réflexion aboutit à une grille d’engagements très proche du nouvel Agenda 21 de la Culture. En 2013, 18 communes de la métropole signent une déclaration de coopération culturelle pour développer davantage cet outil. 2017 verra la finalisation d’une charte de coopération culturelle de 4éme génération.
2. Lyon et la culture
Avec la conservation du patrimoine, la rencontre entre l’œuvre et les publics reste traditionnellement au cœur des politiques nationales de « démocratisation culturelle ». Le paysage culturel de Lyon est historiquement lié à l’industrie et au commerce : imprimerie, diffusion des savoirs, soie, Beaux-Arts, industrie chimique et cinéma. Il se caractérise par un réseau dense et diversifié (filières structurées, formation, diffusion: danse, théâtre, arts plastiques, musique, livre, savoirs), un engagement municipal fort (20% du budget), des événements rassembleurs (Fête des Lumières, Nuits Sonores...), et des rencontres (European Lab, Ateliers du Patrimoine, IFLA et déclaration de Lyon pour le droit d’accès à l’information). Cet héritage est un bien commun, mais doit trouver les synergies nécessaires avec de nombreux autres opérateurs pour contribuer aux différents enjeux de la Ville.
Le volet Culture du Contrat de Ville de Lyon, approuvé par le Conseil Municipal fin 2015, affiche « Culture 21 : Actions » comme cadre de référence. La stratégie générale y est présentée :
- Accompagner par la culture le développement des territoires prioritaires et en renouvellement urbain et leurs habitants
- Créer les conditions de la mise en relation entre acteurs et de la coopération sur projets,
- Faire monter en compétences la communauté,
- S’appuyer sur les « droits communs » de la culture,
- Améliorer la participation citoyenne à tous les niveaux,
Les principes d’action sont:
- Améliorer la participation citoyenne
- Promouvoir et agir à la fois pour l’Egalité, la Lutte Contre les Discriminations et la prise en compte des diversités
- Partager informations et connaissances
- Contribuer aux dispositifs éducatifs
- Prendre en compte les problématiques environnementales et végétales
- Construire des modèles économiques nouveaux, susciter les mutualisations
- Intégrer les perspectives et outils numériques
- Prendre en compte les publics spécifiques et prioritaires au titre de la politique de la ville : les publics « jeunes », les personnes en parcours d’insertion sociale et professionnelle, les séniors
L’OBJECTIF EST D’ORGANISER L’ENGAGEMENT DU RÉSEAU DES ÉTABLISSEMENTS CULTURELS AU NOM DE LEURS MISSIONS DE SERVICE PUBLIC ET POUR LA VILLE DURABLE.
3. Objectifs et mise en oeuvre du projet
3.1. Objectifs principaux et spécifiques
Culture, création, patrimoines sont au cœur de la Ville Durable. Tous les acteurs de la culture, avec les habitants, sont invités à la façonner chaque jour. À Lyon, les « grandes institutions » culturelles et artistiques concentrent compétences, créativité, expertise et moyens publics. Elles sont un héritage des politiques culturelles nationales et locales successives et doivent être un bien commun.
L’objectif de la Charte de Coopération Culturelle est d’organiser l’engagement de ce réseau, au nom de leurs missions de service public, pour la Ville Durable.
3.2. Principales étapes
La mise en œuvre de la Charte de Coopération Culturelle se partage en 5 actes.
1. la déclaration politique d’intention et d’engagement
Elle est signée par la Ville et la Métropole de Lyon, la Région Rhône Alpes, l’Etat et les directrices et directeurs des établissements culturels, qui déclarent : « Porter l’ambition et la volonté communes d’impulser des politiques culturelles et artistiques qui participent au développement humain, urbain et responsable de la Ville et de ses territoires. Cette ville durable, (…) saura être
équilibrée, solidaire des territoires et des personnes les plus vulnérables, respectueuse de ses enfants et anciens, enrichie des relations sociales et interculturelles et des savoir-faire de chacun, optimiste en l’avenir… Ils le font dans le respect de leurs missions premières (…). Ensemble, il s’agit de continuer à inventer une voie singulière pour une politique culturelle ouverte à la démocratie, au développement et à la solidarité et pour une politique de rénovation urbaine nourrie de culture et d’art et inscrite dans le développement de la cité. »
L’HÉRITAGE DES POLITIQUES CULTURELLES EST UN BIEN COMMUN, MAIS DOIT TROUVER LES SYNERGIES NÉCESSARES AVEC DE NOMBREUX AUTRES OPÉRATEURS POUR CONTRIBUER AUX DIFFÉRENTS ENJEUX DE LA VILLE.
2. la définition des besoins et des attentes par la communauté de coopération culturelle
Chaque cycle de travail s’enclenche par l’élaboration de diagnostics territoriaux et de partage de savoirs sur les différentes thématiques. La communauté de coopération culturelle permet de préciser les attentes, besoins, axes d’amélioration possibles dans les quartiers (écriture de 12 Projets Culturels de Territoire) et les principes d’action. Une stratégie générale est partagée et validée collectivement. La gouvernance de la communauté est animée par une mission de coopération culturelle co-mandatée par les collectivités locales et l’Etat ; des commissions culturelles dans chaque quartier prioritaire ; et des commissions thématiques.
Un site internet met à disposition l’information, les programmes et les actions en cours, une e-lettre d’information transmet des informations d’actualité, présente les projets, donne l’agenda et les appels à projet, une page Facebook fait vivre quotidiennement la communauté et des journées réunissent annuellement la communauté, pour partager et valider des orientations collectives. Y sont invités des chercheurs, philosophes, experts ou autres acteurs extérieurs.
3. la co-production de projets d’actions et de services par les établissements engagés
À partir des attentes exprimées, les établissements culturels choisissent de s’engager sur les territoires et/ou les thématiques. Dans la Charte #3, 184 engagements ont été proposés par les 20 établissements signataires. Les engagements sont de diverses natures. Au-delà de faciliter l’accès à l’offre, il s’agit surtout de développer des parrainages et coproduire des services nouveaux. Des dizaines d’actions se développent ainsi annuellement.
4. l’évaluation qualitative et quantitative
Un accompagnement, un suivi et une évaluation qualitative et quantitative sont mises en œuvre et animés par la Mission de Coopération Culturelle (Voir 5.3)
5. les adaptions à intégrer pour un nouveau cycle de travail pluriannuel
Le dispositif évolue tous les 4 ans, la Charte #4 2017/2020 inclura 4 établissements supplémentaires, et sera élargie à l’échelle métropolitaine et plus en phase avec l’agenda 21 de la Culture (Voir 5.5).
4. Impacts
4.1. Impacts directs
Impacts sur le gouvernement local
- Elargissement du périmètre de travail des politiques de développement durable
- Transversalité technique et politique
- Territorialisation et proximité de l’action publique
- Co-construction de l’action
- Meilleure connaissance du territoire et des besoins des administrés
- Meilleure prise en compte de la diversité
- Développement de la démocratie participative
- Développement à l’échelle métropolitaine de la démarche
- Rayonnement national et international (des villes comme Paris ou Liège reprennent la démarche)
Impact sur la culture et les agents culturels locaux de la ville/territoire
- Engagement des opérateurs culturels dans des logiques de coopération sur projets
- Ouverture d’esprit
- Développement des services culturels
- Renforcement des pratiques d’évaluation de la politique culturelle
- Meilleure connexion entre institutions culturelles et autres opérateurs culturels
- Meilleure connaissance du territoire et des besoins
- Meilleure connaissance des pratiques culturelles
- Développement de projets culturels « hybridés » (urbain, social, éducatif, végétal, économique)
Impact sur le territoire et la population
Ville :
- Nouvelle grille de lecture des politiques culturelles
- Réduction des disparités
- Meilleure cohésion sociale
- Meilleure Participation
Habitants :
- Plus de citoyenneté
- Mobilité
- Reconnaissance et valorisation des pratiques
- Augmentation et adaptation à leurs besoins des services culturels
Territoires prioritaires :
- Intégration des quartiers au reste de la Ville
- Valorisation de l’image
- Qualité du cadre de vie (art, végétalisation)
- Implantation d’activités de services
- Multiplication et diversification de l’offre culturelle
- Présence d’artistes et institutionnelle
4.2. Impacts transversaux
L’organisation mise en place, ainsi que l’outil Charte de Coopération Culturelle, permet d’observer plus globalement les évolutions du service public de la culture à travers ses équipements. Des nouvelles orientations peuvent s’ajouter et s’intégrer a posteriori dans la charte. Les politiques d’accessibilité (médiations, services accueils adaptés), d’Egalité Femme/Homme comme la prise en compte de nos séniors ont ainsi pu se développer rapidement.
Aujourd’hui les acteurs de la société civile ont développé des espaces autonomes de réflexion, de débat alternatif, de contre-pouvoir. Des thématiques telles que la prise en compte des droits culturels et de la diversité y sont débattues. Certains établissements culturels, ayant développé et expérimenté de nouvelles compétences sont appelés pour développer des actions au-delà de leur territoire habituel.
4.3. Évaluation
Le dispositif d’évaluation permet de rendre compte aux parties prenantes des avancées produites
- Un bilan qualitatif annuel avec chaque établissement culturel.
- Une évaluation quantitative annuelle basée sur 4 critères : part des habitants des quartiers prioritaires bénéficiant des services, part des moyens humains et financiers affectés à la Charte, participation aux instances partenariales, intégration des problématiques Charte dans la communication institutionnelle,
- Elaboration d’outils cartographiques permettant de visualiser les zones d’influence des équipements
- Présentation et mise en débat des actions dans les commissions culture territoriales
- Présentation des actions conduites au Conseil Municipal (rapport annuel sur la situation en matière de développement durable)
- Elaboration de bilans collectifs thématiques (Etat des lieux Accessibilité, Etat des lieux Egalité Femme/Homme)
‘CETTE VILLE DURABLE […] SAURA ÊTRE ÉQUILIBRÉE, SOLIDAIRE DES TERRITOIRES ET DES PERSONNES LES PLUS VULNÉRABLES, RESPEC-TUEUSES DE SES ENFANTS ET ANCIENS, ENRICHIE DES RELATIONS SOCIALES ET INTELLECTUELLES DE CHACUN.’
4.4. Continuité
Plus qu’une continuité, souhaitée et assurée contractuellement jusqu’en 2020 dans le cadre d’une « charte #4 2016/2020 », un développement est attendu :
- Sur le fond, en intégrant mieux encore l’approche agenda 21 de la Culture et en ajoutant la prise en compte des impacts des outils et cultures numériques,
- En portant de 20 à 24 le nombre de signataires de la Charte (Elargissement aux « Musiques Actuelles »)
- En continuant la mise en œuvre de la Charte métropolitaine (A ce jour 18 communes et 100 établissements culturels engagés)
5. Autres informations
La Ville de Lyon a été candidate à la deuxième édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21” (janvier-mai 2016). Le Jury du Prix a élaboré son rapport final en juin 2016 et a demandé à la Commission culture de CGLU de faire rayonner ce projet comme étant une bonne pratique de la mise en œuvre de l’Agenda 21 de la Culture.
Texte approuvé en décembre 2016.
Bonne pratique publiée en janvier 2017.
Cette fiche a été réalisée par Marc Villarubias, Responsable Mission Coopération Culturelle, Lyon, France.
Contact: marc.villarubias (at) mairie-lyon.fr