Centre culturel/Bibliothèque de Nahr Ibrahim : un élément primordial de la cohésion sociale
Contexte
Nahr Ibrahim est une ville libanaise située dans le district de Byblos. Avec une population d’environ 4 000 personnes, la ville est une destination touristique, mais aussi culturelle. Récemment, près de 1 300 réfugié·e·s Syrien·ne·s sont arrivé·e·s dans la ville, provoquant une envolée de l'illettrisme, donnant lieu à l’inquiétude de voir grandir des générations futures pleines de haine, et se caractérisant par le chômage et la pauvreté.
Nahr Ibrahim et la culture
La municipalité de Nahr Ibrahim collabore avec le Centre culturel public pour promouvoir l’éducation durable, l’égalité des genres, la non-discrimination, les droits des enfants, la lutte contre la xénophobie. Elle donne des conseils sur la façon de traiter les étranger·ère·s, elle aborde la thématique de l’acceptation de l’autre (sans discrimination raciale, confessionnelle et sociale, etc.), la protection du patrimoine culturel de chaque communauté par le biais de la protection des édifices anciens ; elle encourage à la préservation de la gastronomie traditionnelle et du port des vêtements traditionnels et des coutumes, et le partage des chants traditionnels et des jeux anciens.
Objectifs et mise en oeuvre du projet
Objectifs principal et spécifiques
L’objectif de ce projet est de promouvoir les valeurs d’ouverture et de tolérance auprès des communautés libanaises et syriennes à Nahr Ibrahim, afin d’améliorer les liens entre cultures et encourager la paix, pour que la société prenne le chemin de la modernité et de la modernisation.
De plus, il vise à accroître les interactions entre points de vue politiques, économiques, sociaux et culturels de différents contextes, afin de les confronter aux connaissances et expériences d’autrui, en particulier concernant les réfugié·e·s Syrien·ne·s, et pour promouvoir une coopération élargie entre les membres de la société dans le domaine du développement.
Parmi les objectifs spécifiques se trouvent : augmenter le taux d’alphabétisation et de connaissances des enfants Libanais·es et Syrien·ne·s, lutter contre l’ignorance, l’analphabétisme et la violence, faire de ces enfants de jeunes femmes et de jeunes hommes brillant·e·s, menant un style de vie sain. Un accent est mis sur l’enseignement sur la nature et la protection de l'environnement aux jeunes générations.
Développement du projet
Principales actions réalisées
Pour le moment, le Centre culturel mène principalement des activités éducatives et récréatives destinées aux enfants Libanais·es et Syrien·ne·s, tout au long de l’année : activités sur le patrimoine, les coutumes et les traditions, la gastronomie, des activités sur l’égalité des genres, les droits de l’enfant, l’environnement, la tolérance envers les autres, la xénophobie, la mémoire de la guerre, entre autres.
En 2010, en coopération avec la Province de Barcelone et CGLU, une bibliothèque publique a été établie au sein du Centre culturel.
Le centre culturel public de Nahr Ibrahim vise à offrir dans le futur un grand éventail de services qui comprendront un complexe culturel, pédagogique et physique, consacré aux femmes, aux jeunes et aux personnes âgées.
L’espace est composé d’une bibliothèque (dont le slogan est : « Un Pays qui lit est un pays qui vit ») dotée de près de 6 000 livres classés selon le système Dewey, documentaires, romans et livres pour enfants en arabe, anglais et français. Ils sont classés selon les sujets (écosystème, biodiversité, énergies alternatives, pollution, vie sauvage, herbes médicinales, agriculture...) et comprennent des albums, des contes et des romans pour enfants de 4 à 14 ans. En 2014, la bibliothèque a également été équipée d’ordinateurs.
Les livres de la bibliothèque sont des dons d’un certain nombre d'institutions : l’Institut français, l’Association Sabeel Society, le ministère de la Culture et la Municipalité de Nahr Ibrahim. De plus, en août 2016, la bibliothèque a reçu 397 livres pour enfants en français, arabe et anglais, donnés par l'organisation Italian Human Land, en coopération avec le Haut-commissariat aux réfugié·e·s de l’ONU (HCR).
Un accord de coopération a été récemment signé avec l’école de Mme Um El Nour (Al-Aqiba) et l’école Don Bosco, afin de renforcer le lien entre la bibliothèque publique et les écoles publiques et privées voisines.
Outre la bibliothèque, le centre accueille différents types d’activités, dont voici quelques exemples :
- Construire des ponts pour la communication. Le Liban et la municipalité d’Aubagne en France se sont engagés dans une coopération d’une semaine au mois de février 2018 (du 10 au 17) pour célébrer la Semaine de la francophonie avec des enfants de la zone, notamment des réfugié·e·s Syrien·ne·s. Cette coopération a pu avoir lieu grâce aux deux semaines de formation suivies par Mme Katia Mahfouz en gestion des bibliothèques publiques dans plusieurs bibliothèques françaises en 2012 (à Marseille, Aubagne, Aix-en-Provence, Martigues), formation au cours de laquelle elle a rencontré des écrivain·e·s français·es pour enfants, des peintres, des éditeur·rice·s, des bibliothécaires, et a pu visiter différents salons du livre. Depuis, le lien avec la secrétaire de la bibliothèque d’Aubagne s'est maintenu.
- Semaine nationale de la lecture avec le ministère de la Culture. Chaque année, la bibliothèque publique de Nahr Ibrahim célèbre la semaine nationale de la lecture en organisant plusieurs activités éducatives pour les écoles publiques et privées, sur une période d’un mois, en se focalisant sur l'intégration de la communauté Syrienne au sein de la communauté locale.
Le programme de la semaine proposait un film sur Saint-Marcellin, une histoire très intéressante sur un ancien personnage, Haplan, dont ont pu profiter tous les enfants, mais aussi des ateliers pour transformer des animaux de dessins animés en marionnettes et adapter des histoires en pièces de théâtre. Des leçons ayant remporté un franc succès ont aussi été proposées pour enseigner l’alphabet de façon humoristique, baptisées « Folie des lettres ». - Activités linguistiques. Des cours sont proposés sur l’histoire de l’hébreu, de l’araméen et du syriaque, et des cours intensifs d’italien et d’espagnol sont donnés par un professeur spécialisé.
- Spectacles de théâtre. Des pièces de théâtre sont montées sur une série de sujets, tels que l’environnement, la désertification, la protection de la forêt, le recyclage et le respect des autres.
- Festival d’équitation. Le festival a été mis en place après le récit fait par Mme Katia aux enfants de l’histoire du cheval opprimé, qui raconte la véritable histoire du cheval arabe, ses caractéristiques physiques distinctes et son caractère : plein de patience, courage, perspicacité et sincérité. Le festival a réuni près de 150 enfants de tous les âges et de toutes les nationalités.
Autres activités : leçons d’astronomie ; leçons de guitare et de piano ; cours d’informatique ; ateliers d’écriture et de recherche scientifique ; aide aux devoirs et préparations aux examens officiels pour les élèves des collèges et des lycées (cours de sciences économiques et sociales, de sciences de la vie) ; célébration de fêtes nationales et religieuses ; expositions (en arabe, français et anglais).
Pour mettre en oeuvre ce projet, la municipalité et ses partenaires ont dû surmonter certains défis financiers structurels, et ont dû trouver des solutions pour réunir les services publics en un seul lieu, afin de répondre plus efficacement aux besoins de la population locale et à l'afflux des réfugié.e.s syrien.ne.s.
Activités spécifiques ayant lieu les samedis : une heure pour une histoire et des jeux tels que l’Arabesque, le Vieux Libanais et des jeux avec des proverbes syriens-palestiniens.
Le ministère de la Culture est partenaire du Centre culturel depuis 2010. Parmi les autres partenaires, on retrouve notamment : la Province de Barcelone et CGLU, le ministère des Affaires sociales, la Fondation Anna Lindh, le COBIAC français (chargé des sessions de formation), les forums LZD libanais et le service pour la paix civile.
Le budget total est estimé à 60 000 $. Lors de sa mise en oeuvre, le projet a dû faire face à un obstacle : le déficit budgétaire structurel des municipalités libanaises, et le manque d’aides gouvernementales et de plans de soutien aux activités économiques locales.
Impacts
Impacts directs
Impacts sur le gouvernement local
Avec ce projet, Nahr Ibrahim a été en mesure d’atteindre un développement durable dans la région au travers de la promotion de l’éducation, de la culture et d’activités sociales. La municipalité a ainsi forgé une certaine capacité à améliorer la qualité des services pour les Syrien·ne·s déplacé·e·s. Elle a amélioré les compétences des unités municipales dans la gestion et le contrôle plus efficaces des administrations, et a accru la coopération et la coordination entre municipalités et communautés locales accueillant des réfugié·e·s.
Impacts sur la culture et les acteurs culturels locaux
Ce projet fait connaître à la population Libanaise et aux réfugié·e·s Syrien·ne·s des civilisations différentes, de nouvelles informations, de nouvelles technologies, de nouvelles langues, les droits humains et l’égalité des genres. Il a rassemblé les communautés locales, en ciblant tout particulièrement les jeunes, les femmes, les personnes âgées et les Syrien·ne·s déplacé·e·s.
Le projet a amélioré l'efficacité, l’efficience et le renforcement des capacités dans le domaine du développement culturel, et a amélioré les performances des acteur·rice·s locaux·les afin qu’il·elle·s puissent mieux faire face au nombre de réfugié·e·s Syrien·ne·s. Il a créé de réelles possibilités pour les partenariats public-privé dans les secteurs de la culture, de l’éducation et des services sociaux, et a aidé les entrepreneur·se·s à mieux coopérer et se coordonner, afin de jouer un rôle actif dans le soutien aux municipalités pour développer de tels plans et veiller à la durabilité du projet.
Impacts sur le territoire et sa population
La mise en oeuvre du projet a mené à la création de 40 emplois, en particulier pour les femmes, après qu’elles aient suivi des formations en informatique, réparations techniques et pour lancer leurs propres créations.
Plus de 80 enfants Syrien·ne·s ont suivi des formations, des cours de français et d’anglais, pour leur permettre d’accéder au système scolaire libanais et suivre les programmes d’enseignement au même rythme que les enfants Libanais·es.
Les citoyen·ne·s locaux·les ont également bénéficié des services proposés par le centre, en particulier les cours intensifs techniques et administratifs afin de savoir faire face et répondre aux besoins de base des réfugié·e·s Syrien·ne·s. Les activités du centre ont également contribué à préserver le patrimoine culturel de la ville, avec une sensibilisation spécifique adressée aux jeunes générations.
Évaluation
Plusieurs distinctions ont été décernées au projet :
- Meilleure secrétaire de bibliothèque 2012 ;
- Évaluations de l’Association Sabeel et de la Fondation Anna Lindh ;
- Association allemande d’écrivain·e·s professionnel·le·s de mémoires de guerre
- Évaluation de la part des écoles publiques et privées et de la part du tribunal du district de Jbeil
- Certificats de la part du ministère de l’Éducation
- Médailles d’honneur
- En 2014, Mme Katia Mahfouz, la secrétaire de la bibliothèque publique, a été honorée par l'organisation Italian Human Land, le ministère libanais de la Culture, le ministère libanais de l’Agriculture et le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur.
Facteurs clef
La coopération entre tou·te·s les participant·e·s a été essentielle à la réalisation des droits et au respect de l’égalité des genres. Elle a également facilité la mise en oeuvre par les municipalités de plans stratégiques pour améliorer la coopération sur le long terme entre citoyen·ne·s actif·ve·s et formé·e·s dans le domaine du développement local, en particulier concernant les groupes ciblés.
Le fait d’avoir créé un centre culturel public unifié, qui regroupe les activités pédagogiques, culturelles et sociales locales pour les communautés locales et syriennes en un seul endroit a été également un facteur de réussite primordial.
Continuité
Le projet se poursuit sous la supervision de la Mairie de Nahr Ibrahim et du ministère de la Culture. Il vise à s’étendre encore davantage pour devenir un centre multiculturel, avec des activités supplémentaires pour l’éducation des femmes, de la jeunesse et des personnes âgées. Il offrira des cours techniques, un gymnase, une salle de danse, une salle de conférences et une session de sensibilisation sociale. Il est prévu de créer 50 emplois supplémentaires.
Outre le financement par les institutions locales, CGLU et la Province de Barcelone qui est consacré à bâtir et équiper le centre public, la municipalité finance les frais annuels de maintenance du centre et ses dépenses d’équipement, ainsi que les formations et les ateliers pour les employé·e·s de la bibliothèque, de son propre budget.
En savoir plus
Nahr Ibrahim a été candidate à la troisième édition du Prix international CGLU-Ville de Mexico-Culture21 (novembre 2017 - mai 2018). En juin 2018, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en oeuvre de l'Agenda 21 de la Culture.
Cette fiche a été rédigée par Katia Mahfouz et Maria Mattar, bibliothécaires de Nahr Ibrahim, district de Byblos, Liban
Contact : Maria.mtr.95@hotmail.com ; Katianalb2003@hotmail.com
Site web : www.nahribrahim.com