Projet de la "Diète Méditerranéenne" de Chefchaouen

1. Contexte

La ville de Chefchaouen en 1471, chef-lieu de la province du même nom, est située au Nord du Maroc, dans la région Tanger-Tétouan. Son territoire est caractérisé par un patrimoine naturel unique ainsi qu'un patrimoine culturel très vivant avec ses savoir-faire et ses traditions. Le territoire marqué par une forte ruralité avec seulement 10 % de la population en zone urbaine.

Bâtie à 600 m d’altitude, cette ville fortifiée, compte près de 43 000 habitants. Elle s’étend sur 1040.5 hectare et englobe l’ancienne ville, la ville nouvelle, et les arrondissements Aïn Haouzi, Al Ayoun et Adrar en plus des territoires ruraux. Chefchaouen constitue le point d’accueil de nombreux touristes en recherche de bien-être et de découverte naturelles et culturelles locales.

La Diète Méditerranéenne a été reconnue en 2010 comme Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO. Cette inscription s’est accompagnée de la reconnaissance de 4 de ses Communautés Emblématiques : Chefchaouen (Maroc), Soria (Espagne), Koroni (Grèce) et Cilento (Italie). En 2014, la Croatie, le Portugal, et Chypre les ont rejoints.

Chefchaouen a été choisie comme Communauté Emblématique de la Diète Méditerranéenne car les traditions et symboliques transmises de générations en générations (pratiques alimentaires, partage social et de célébration) sont toujours très vivants. Cela implique que les acteurs locaux doivent faire vivre ce patrimoine, être porteur de développement local et permettre que la population locale puisse vivre en accord avec leur identité culturelle.

Le renforcement des activités de Chefchaouen pour le développement s'inscrit dans la continuité de la Nouvelle Charte Communale approuvée en 2009, incitant à améliorer les compétences des municipalités, la planification stratégique, la concertation avec la société civile et à l'intervention des gouvernements locaux pour le développement économique local.

L’objectif est de contribuer au développement de la ville à travers la valorisation de l'art culinaire pour réconcilier les habitants avec leur identité.

2. Chefchaouen et la culture

La vision de Chefchaouen s’appuie sur le territoire, l’authenticité, la culture méditerranéenne (nature, architecture, arts), le « Bon Vivre », l’histoire et les ressources locales (naturelles, humaines, texturelles et architecturales).

La culture tient ainsi une place de choix dans cette vision à travers les composantes de l’identité de la ville et de son territoire. Le projet de Diète Méditerranéenne intègre cette vision et concrétise le rôle central de la politique culturelle, en répondant aux politiques stratégiques du Plan Communal de Développement (programme Art Gold-PNUD). Ce plan est le résultat d’un processus participatif (société civile, forces publiques et privées, administration) de définition des politiques à court, moyen et long terme, structurées autour des axes suivants :

  • Valorisation, conservation et reconversion du Patrimoine architectural et culturel, de l’identité de la ville et son territoire.
  • Protection de l’équilibre environnemental et des espaces verts, lutte contre la pollution, préservation du patrimoine naturel et ses ressources.
  • Renforcement de la qualité et de l’intégration urbanistique en multipliant les équipements et infrastructures sociales et culturelles.
  • Redéfinition et développement des secteurs en renforçant le tourisme de qualité.
  • Axe transversal : programme de formation des techniciens et administratifs en termes de tourisme écologique et de gouvernance locale.

La diète méditerranéenne intègre la vision de Chefchaouen et concrétise le rôle central de la politique culturelle en répondant aux politiques stratégiques du PCD.

Le projet développé est directement relié à l’Agenda 21 de la culture :

  • Droits, Equité et Inclusion sociale : les coopératives de femmes produisant des produits se sont multipliées, structurées, professionnalisées et mises en réseaux pour générer une masse critique et offrir une compétitivité.
  • Planification urbaine et espace publique : elle intègre une politique dédiée au paysage formel et esthétique (expositions, expression des talents, festivals, marchés)
  • Information, Connaissance et Diversité, Créativité : traditions, modes de vie revivifiés, rites et rituels ruraux ou urbains ancestraux liés à l’Art culinaire autour d’une sagesse et de connaissances ancestrales remises à jour et diffusées par les outils technologiques. Les jeunes ont développé des talents développés autour des évènements liés au projet : Photographie, peinture, technologies de transmission et d’information
  • Gouvernance de la Culture : installer une Culture de la Culture, tel est le résultat de ce projet aujourd’hui.
  • Education : renforcement des capacités et formation des ressources humaines à tous les niveaux : formation simple, formation de formateurs, (mise en réseau, gestion, production équitable, bio)
  • Economie : ressources locales et territoriales, et leurs productions et structurations effectives pour un commerce équitable basé sur la Culture
  • Environnement : modernisation et structuration de la gestion des ressources, avec préservation et gestion intelligente : source de revenus, d’équilibre territorial et d’attractivité.

3. Objectifs et mise en oeuvre du projet

3.1. Objectifs principaux et spécifiques

En tant que ville intermédiaire, Chefchaouen est au confluent de la perte de ses ressources humaines, partant vers des villes plus grandes ou métropoles, et de la perte de la vie dans le monde rural qui l’entoure, enterrant la culture authentique du terroir. L’objectif du projet est de contribuer au développement de la ville à travers la valorisation de l’art culinaire locale et les produits artisanaux pour réconcilier les habitants avec leur identité. Ses objectifs spécifiques sont la promotion de la destination Chaouen à travers des produits autochtones locaux, et la conservation du patrimoine.

3.2. Principales étapes

Ce projet s’inscrit dans une coopération multilatérale, comprenant académiciens, villes et acteurs locaux, dont l’Université de Grenade (signature d’une convention de recherche et de collaboration), les 6 communautés emblématiques, le ministère de la Culture, les délégations de l’Artisanat, du Tourisme, de l’Agriculture, et des Eaux et Forêts ; plusieurs coopératives, des associations culturelles, des associations hôtelières et des restaurateurs engagés.

  • Ce projet s’inscrit dans une politique et démarche de coopération et de dialogue avec un environnement multi-acteur à différents niveaux de gouvernance : Coopération internationale : l’origine du projet s’inscrit dans un réseau de villes participant à une initiative internationale de l’UNESCO.
  • Coopération verticale: établir une coopération entre la Province de Chefchaouen, le Ministère de la Culture, d’autres ministères (délégations) et le Ministère de l’Intérieur du Maroc
  • Coopération horizontale : le projet s’inscrit dans le cadre d’un dialogue, avec les communes rurales environnantes, avec la société civile et avec les structures institutionnelles agissant sur ce territoire

Les populations ayant bénéficié de ce projet sont les populations rurales et paysannes en interaction avec les habitants urbains liés au circuit du projet (artisans, commerçants, restaurateurs et hôteliers, restauration et préservation du bâtiment) ; les femmes qui ont bénéficié de formation, de réseaux et d’un label territoire ; la jeunesse. Les habitants du territoire qui voient renaitre leur culture et identité et les visiteurs nationaux et internationaux sont également considérés comme bénéficiaires indirects.

Ce projet s'inscrit dans une politique et dans une démarche de coopération et de dialogue avec un environnement multi-acteurs à différents niveaux de gouvernance.

4. Impacts

4.1. Impacts directs

Impacts sur le gouvernement local

Le gouvernement local s’est placé comme fédérateur d’une dynamique pour « cultiver la Culture », comme élément générateur de revenus, d’appartenance au sein d’un Dialogue. Ce projet a permis de générer une cohésion sociale, dans laquelle les habitants se reconnaissent et s’identifient, participant à une meilleure proximité avec l’administration, les conseillers et le maire et facilité l’identification et la visibilité de la ville dans des réseaux internationaux, facilitant la communication et le marketing territorial: tourisme responsable – politiques écologiques – commerce équitable. Le Maire a été élu Président de l’Association Marocaine des Eco-Villes (AMEV).

Impact sur la culture et les agents culturels locaux de la ville/territoire

La reconnaissance d’une créativité et expression structurée dans la société civile, pour attirer des artistes et des investissements. La Culture comme élément générateur de vie et de soutenabilité. Revivification d’un artisanat et Arts de vivre locaux, La Culture est devenue un canal de développement pour la Ville et son territoire au service des citoyens et de leur développement

Impact sur le territoire et la population

Le projet a permis de régénérer la vie dans la ville par la réduction de l’impact de l’exode rural,, l’inscription de la ville dans des réseaux internationaux liés au bio et commerce équitable, ainsi que le tourisme responsable, le changement de mentalité dans un environnement territorial à vocation cannabiculture, et par l’adaptation de ce tourisme rural à des standards internationaux

4.2. Impacts transversaux

La construction d’une cohésion rural-urbain avec la reconnaissance de la culture des uns et des autres, l’acceptation et la revivification de la culture rural dans l’urbain, et l’acceptation de la culture urbaine et nouvelle créativité par le monde rural. La génération d’une complémentarité économique . Une culture du respect de l’autre, de sa créativité et de sa diversité, permettant une meilleure cohésion sociale et la revendication d’une Culture méditerranéenne, reconnue, ancestrale, héritée des ancêtres venus du « Andalus », générant des liens avec d’autres villes.

4.3. Évaluation

Trois éléments permettent de mesurer l’impact de ce projet sur la ville de Chefchaouen :

  • La richesse de la Société Civile et la multiplication des associations culturelles en nombre et en qualité des thématiques développées.
  • Le Musée de la Diète Méditerranéenne appuyé par les acteurs locaux et financier
  • L’implication et l’attractivité générées par ce projet au sein des réseaux et autres villes en coopération avec la ville de Chefchaouen

4.4. Continuité

L’ampleur prise par ce projet justifie la création d’un Forum International de la Diète Méditerranéenne. Prévu pour le dernier semestre 2016, il sera une plateforme d’échange citoyen entre les villes concernées, experts, acteurs et société civile

5. Autres informations

La Ville de Chefchaouen a été candidate à la deuxième édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21” (janvier-mai 2016). Le Jury du Prix a élaboré son rapport final en juin 2016 et a demandé à la Commission culture de CGLU de faire rayonner ce projet comme étant une pratique exemplaire de la mise en œuvre de l’Agenda 21 de la Culture.

Texte approuvé en décembre 2016.

Bonne pratique publiée en janvier 2017.

Cette fiche a été réalisée par El Bakali Abdelali, chef de division de l’environnement et coopération, Chefchaouen, Maroc.

Contact: elbakali1961 (at) gmail.com

The "Mediterranean Diet" project in Chefchauen