École municipale de design de mode. Processus créatif de production et distribution textile collective
Contexte
Située dans la province de Santa Fe, Rosario s’étend sur 178,69 km2 et compte 948 312 habitant·e·s (2010). Troisième plus grande ville d'Argentine, elle est composée de six districts, conformément au Programme municipal de modernisation et de décentralisation, créé en vue de régler les innombrables problèmes suscités par la centralisation de son administration, de sa gestion et de sa gouvernance.
En 1995, la décentralisation avait un caractère administratif très marqué, pour faire face aux problèmes des grandes villes (exclusion socioéconomique, violence, etc.) ; puis elle a fini par devenir un nouveau mode de penser et de gérer le territoire à l’échelle des quartiers, une forme de communication entre les villes comme mode d’inclusion et d’élargissement des droits. Parmi ses différents aspects se trouve la construction collective des espaces publics, avec l'inclusion d’espaces verts, d’infrastructures communautaires et culturelles, ainsi que des logiques de pensée de la production et de la création culturelles à l’échelle des quartiers et de leurs complexités. Actuellement, les quartiers se caractérisent par une population migrante, en particulier provenant des provinces du nord-est et des autres pays sud-américains..
Rosario et la culture
Univers symboliques et pragmatiques de la construction des collectifs humains, la culture et l’éducation recouvrent leur véritable sens et s’enrichissent mutuellement par la réciprocité de leurs références. Ainsi, la construction de politiques culturelles-éducatives est motrice de toute transformation sociale. C’est selon cette perspective que le secrétariat municipal à la culture et à l’éducation définit son travail, en s’appuyant sur plusieurs axes fondamentaux : approfondissement de la décentralisation, accent mis sur les thématiques de l'enfance et de la jeunesse, intégralité des politiques éducatives, renforcement institutionnel, amélioration des infrastructures, et conception de stratégies de communication qui donnent la priorité à la proximité avec les citoyen·ne·s, les liens, les identités et les imaginaires sociaux et l'évolution quotidienne de la ville.
Les politiques culturelles-éducatives du territoire se fixent pour priorité :
- Pour citer María de los Angeles "Chiqui" González : "Une politique publique est une impulsion transformatrice et collective avec une perspective stratégique, une énergie maîtrisée et systématisée, qui répond à un besoin, interprète un point de vue, crée un sens à partir d'idées fragmentées, mobilise l'action au lieu de l'apathie, et tisse des visions pour le futur dans le présent de la région.
- De récupérer l'espace public comme espace de culture, de participation citoyenne ; le rééquilibre territorial, le travail associatif ; l’accès aux biens et services culturels et l’échange de connaissances, dans un cadre respectueux et reconnaissant la diversité culturelle.
La construction de politiques culturelles-éducatives est le moteur de toute transformation sociale ; elles permettent de générer les outils de développement de citoyen.ne.s acteur.rice.s, qui prennent activement part à ce processus.
L'ÉCOLE
Elle est le fruit de la conception de la création des espaces publics de façon collective et de l'articulation du territoire à échelle, celle des quartiers, comme stratégie spécifique pour le quartier, mais avec la ville.
L’École répond autant aux principes de l’Agenda 21 de la Culture qu’aux ODD, auxquels la Municipalité de Rosario a souscrit en 2015. L’École entre dans le cadre de la Charte des villes éducatives de l’Association internationale des villes éducatives.
Depuis son origine décentralisée, elle légitime les connaissances des populations périphériques, les cultures migrantes et indigènes, de celles qui vivent sur le territoire de la ville. Elle facilite leur transmission et recréation, comme l’expérimentation avec de nouveaux langages expressifs.
Ainsi, l’École devient une instance d’élargissement des droits culturels, qui permet de faire naître les subjectivités contemporaines et ainsi offrir des services à une large fraction de la population et faciliter son accès aux services de la ville.
Le projet entend développer le design comme industrie culturelle, comme forme d’expression stratégique, dotée de la capacité de contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois pour les communautés. Ce projet aborde les causes fondamentales de la pauvreté par le biais de la promotion de l’éducation, de l’inclusion, de la lutte contre les discriminations et par la croissance économique durable, en consolidant la création d’emplois chez les populations défavorisées.
Et cela, selon un regard non sexiste, qui tente de rectifier les stéréotypes de genre, tout en travaillant sur l’affirmation de la diversité sexuelle. De même, le projet entend repenser les circuits de production, de distribution et de consommation, au travers d’une production collective et le développement de regards critiques.
Objectifs et mise en oeuvre du projet
Objectifs principal et spécifiques
L’objectif principal de l’École est de promouvoir l’inclusion et l’autonomie des jeunes en situation de vulnérabilité de la ville de Rosario dans les espaces publics, au moyen de la construction collective et créative de design, techniques de production et commercialisation de vêtements et d’accessoires.
Objectifs spécifiques :
- Former à la confection d’habits et d’objets comme outil créatif et de travail
- Mettre en place une analyse critique, promouvoir des instruments de réflexion à partager dans les productions propres
- Contribuer aux initiatives productives et commerciales des participant·e·s
- Former des équipes collectives de création et de production
- Nouer des liens affectifs et communautaires
Développement du projet
Principales actions réalisées
Formation annuelle dans des espaces appartenant ou non à l’État, dans chaque district allié à l’École. Elle est composée de deux axes fondamentaux, structurés en deux temps dans l’année : la formation technique et la stimulation créative. Elle s’achève avec un événement inclusif auquel s’ajoute une série de salons pour la commercialisation de la production.
Évolution
L’initiative est née en 2011, comme nécessité de la communauté formulée lors du vote du Budget participatif du district ouest de la ville, qui désirait allier la dimension éducative à la dimension productive. En 2013 se produit un bond qualitatif, avec l'inclusion d’ateliers de production à ceux de formation technique. À partir de là, les participant·e·s ont pu créer et confectionner des vêtements non seulement pour leur usage personnel, mais aussi pour un usage commercial, introduisant alors dans leur travail des problématiques plus globales. C’est le cas de la collection TRECE, au sein de laquelle origine et vêtements souhaitent revendiquer un message de non-violence, de lutte contre l’armement de la jeunesse, etc.
Le projet démontre qu'il est possible d'être créatif.ve hors des sentiers conventionnels ou de ce qu'impose le marché.
En 2014, l’École s’est élargie à deux nouveaux districts : celui du nord et celui du nord-est. Deux nouveaux espaces ont été inaugurés et il a été proposé de consolider le développement de l’École en vue de promouvoir l’inclusion à partir d’initiatives ayant une base culturelle. En 2015, un autre bond qualitatif se produit : l’École commence à faire partie d’une nouvelle structure organisationnelle, la Direction générale de la gestion territoriale, au sein du secrétariat à la culture et à l’éducation. L’École sera présente dans tous les districts et disposera d’ateliers de production avec des classes théoriques et pratiques. Depuis 2016, un défilé annuel est organisé, réunissant les ateliers de tous les quartiers, au cours d’un événement unique dont l'objectif est d’intégrer les participant·e·s et de donner de la visibilité à la dimension de l’École et de ses productions.
Impacts
Impacts directs
Impact sur le gouvernement local, le territoire et la population
Avec l'insertion de l’École à la Direction générale de la gestion territoriale (2015), les ateliers de langages artistiques sont repensés et sont mis en place comme espaces de formation. Ainsi, les espaces culturels des districts se structurent pour offrir une formation continue et variée. Un dialogue a également été établi avec le Musée d’art contemporain de Rosario, qui expose les projets à Rosario Remix, convertissant par-là le projet de l’École en une intervention-installation.
Parmi les défis se trouvait celui de rapprocher le public masculin de ces activités, traditionnellement associées au féminin. C’est ainsi que les propositions ont été élargies afin de générer davantage d’empathie chez le public de jeunes hommes (collectif vulnérable et priorité de la Direction de la gestion territoriale), avec la mise sur pied de techniques telles que la sérigraphie et l’impression textile.
Au fil des ans, le développement de l’École affiche une augmentation du capital des connaissances et de sophistication. La demande de différents niveaux et groupes de production s'est accompagnée de la nécessité de recruter des professeur·e·s pouvant prendre en charge plus de groupes ; des groupes demandant des connaissances spécifiques, et l’équipement de machines spécialisées et industrielles correspondantes aux projets de chaque groupe. Les élèves étant déjà passés par certains des espaces de l’école avaient besoin de se spécialiser toujours plus.
Il a alors été envisagé d’avoir recours aux faisceaux thématiques, au sein desquels chaque professeur·e est chargé d’une spécificité, ce qui mène les participant·e·s à circuler entre différents ateliers de différents districts. Cette circulation est inédite pour nombre de jeunes qui sortent rarement de leur quartier.
Les espaces culturels des districts se structurent pour offrir une formation continue et cohérente à la population, selon différentes langages.
Évaluation
L’École de design de mode se trouve sous l’égide du système d’évaluation de l’impact général du secrétariat à la culture et à l’éducation, qui évalue les actions et les événements ponctuels, leur répartition sur le territoire et l’affluence du public.
Le système d’évaluation de la gestion territoriale évalue la participation du public jeune à différents programmes de quartier, de façon transversale avec les autres secrétariats. De plus, l’École met en place une enquête annuelle auprès des participant·e·s afin de connaître leurs intérêts et évaluer les méthodes pédagogiques.
Facteurs clefs
Plusieurs facteurs de réussite du processus de l’École de design de mode peuvent être soulignés :
- La décentralisation et la déhiérarchisation complète des ateliers (sans espaces hiérarchisés).
- L’unité du corps enseignant, qui réfléchit et planifie de façon collective le développement dans tout Rosario.
- Ateliers mis en place grâce à l’alliance avec des espaces du quartier bénéficiant de légitimité auprès de la communauté.
- Recherche de propositions appelant aux sens propres de l’imaginaire et des désirs de la génération et culture du public que l’on souhaite attirer : football, musique, hip-hop, cumbia ou traditions ancestrales.
- S’adapter aux temps de construction collective tout en poussant à certaines accélérations de bon sens, et désautomatiser les réflexions établies.
L'école cherche constamment à concevoir des idées qui génèrent de l'empathei et de l'enthousiasme chez les jeunes qui ne sont pas à l'aise avec les circuits éducatifs officiels ou les autres institutions et leur permettre de développer leurs propres outils pour créer leurs propres projets de production.
Continuité
Composante du projet politique de la Municipalité de Rosario, l’École reçoit un soutien constant pour sa croissance, son élargissement et sa continuité. Cela se traduit notamment dans la stabilité de l’emploi de son corps enseignant, dans l’acquisition de machines et outils et dans la mise à disposition d’espaces de différentes zones de la municipalité pour son développement. L’année dernière, de nouveaux formats ont été implantés, des ateliers par projets de courte durée et de formation intensive en sérigraphie, habillement sportif, haute couture, linge de bain et t-shirts. Il est ainsi possible d’établir un pronostic de la capacité de développement et de la population afin d’ouvrir de nouveaux espaces de l’École à l’avenir.
En savoir plus
Rosario a été candidate à la troisième édition du Prix international CGLU-Ville de Mexico-Culture21 (novembre 2017 - mai 2018). En juin 2018, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en oeuvre de l'Agenda 21 de la Culture.
Cette fiche a été rédigée par Guillermo Ríos, Secrétaire à la Cultura et l’Éducation, Municipalité de Rosario, Argentine.