Les États généraux des Arts et de la Culture de l'Estrie

1. Contexte

L’Estrie est une des 17 régions administratives du Québec, au Canada et comporte six municipalités régionales de comté (MRC) regroupant toutes les municipalités d'une même entité administrative. En 2015, elle compte 322 099 habitants. Son chef-lieu, Sherbrooke, compte 162 163 habitants (50% de la population) et est situé à 155 kilomètres de Montréal, et à 235 kilomètres de la Ville de Québec, les deux plus importants centres du développement culturel francophone en Amérique. De 2011 à 2014, l’administration publique a investi près de 14 M$ en art et culture (10e sur 17 régions).

Le secteur culturel estrien est dynamique, ses productions sont variées et de qualité. Cependant, les arts et la culture peinent à se faire reconnaitre et à occuper la place qui devrait être la leur. La culture est un élément fondamental du développement des communautés. L’engagement des collectivités et des citoyens est nécessaire pour qu’elle joue véritablement son rôle à l’égard du mieux-être de la région. Un des outils concrets de sa mise en œuvre est le développement d’une stratégie culturelle ralliant l’ensemble des intervenants régionaux.

De 2012 à 2016, avec le soutien de la Conférence régionale des élus de l’Estrie (CRE), le Conseil de la culture de l’Estrie (CCE) entreprend une démarche d’États généraux des arts et de la culture, réunissant les acteurs culturels et de tous milieux privés et publics. Son but est de renforcer la crédibilité, la visibilité et l’importance des arts et de la culture comme vecteur de développement, et de mobiliser les décideurs régionaux autour des enjeux liés.

Ce processus comporte trois « Chantiers » : une consultation des artistes et organismes culturels, une démarche auprès de milieux susceptibles de jouer un rôle au plan culturel, et une rencontre des artistes et organismes culturels avec les divers milieux estriens. Il s’est soldé par un Forum des États généraux des arts et de la culture.

IL S’AGIT DE CRÉER UNE VASTE MOBILISATION DES ACTEURS RÉGIONAUX SUR UNE DYNAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ DES ARTS ET DE LA CULTURE.

2. L’Estrie et la culture

En Estrie, toutes les MRC ont adopté une politique culturelle et certaines municipalités ont adopté l’Agenda 21 de la Culture du Québec. Malgré cela, l’Estrie se situe au 16e rang sur 17 en matière d’investissement municipal culturel. Les investissements du Conseil des arts et des lettres du Québec, de la Société de développement des entreprises culturelles et du Conseil des arts du Canada sont aussi sous la moyenne nationale. En 2015, le gouvernement du Québec instaure une nouvelle gouvernance régionale, abolissant les CRÉ et les Centres locaux de développement et transférant leurs responsabilités aux MRC. Dans ce contexte, les États généraux des arts et de la culture permettent d’inscrire la culture comme vecteur de développement dans cette nouvelle gouvernance des MRC.

Le Québec ne saurait se développer sans la contribution des régions, y compris au plan artistique et culturel, qui contribuent à la co-création de l’identité culturelle et évitent de devenir simple marchés pour quelques centres de production nationaux, suivant le 16e objectif de l’A21C québécois est à souligner : « Reconnaître et valoriser l’expression artistique et les spécificités culturelles régionales de manière à lutter contre l’uniformisation et la standardisation de la culture par une production diversifiée ancrée dans le territoire. »

Inspiré par une approche du développement intégrant la culture comme vecteur économique, de cohésion sociale et de stabilité, la CRE de l’Estrie et le Conseil de la culture de l’Estrie (CCE) animent depuis trois ans des comités de réflexion sur l’élaboration d’une stratégie de développement artistique et culturel. Souhaitant mobiliser les forces vives de tous les secteurs de la société, une approche multisectorielle et pluridisciplinaire a été privilégiée, s’appuyant sur des études valorisant les bénéfices autres qu’artistiques et culturels d’un environnement culturel dynamique : impacts économiques positifs; génération d’emplois; attraction touristique; amélioration de la qualité de vie; participation au sentiment d’appartenance et d’engagement; rétention des citoyens (notamment jeunes et artistes); contribution à l’attractivité des entreprises et de la classe créative; et enfin, intégration et cohésion sociale.

La démarche rejoint particulièrement la thématique « 9. Gouvernance de la culture » de Culture 21 : Actions, visant une gouvernance transversale et horizontale entre acteurs de la société et acteurs régionaux en faveur d'un développement culturel intégré et durable.

3. Objectifs et mise en oeuvre du projet

3.1. Objectifs principaux et spécifiques

L’objectif est de renforcer la crédibilité, la visibilité et l’importance des arts et de la culture comme vecteur de développement, et de mobiliser les décideurs régionaux autour des enjeux liés. Elle se veut large, participative et transversale, et réunit acteurs institutionnels et municipaux, citoyens, acteurs publics et privés, et tous les secteurs de la société. Il s'agit de créer une vaste mobilisation des acteurs régionaux sur une dynamique de développement intégré des arts et de la culture.

Les objectifs spécifiques sont de développer une vision partagée de l’avenir des arts et de la culture, de susciter une cohésion locale, de déterminer les enjeux et moyens prioritaires sur le plan des arts et de la culture, et de susciter l’émergence de projets.

LES ÉTATS GÉNÉRAUX ONT PERMIS DE RÉITÉRER AUPRÈS DES DÉCIDEURS L’IMPORTANCE DES ARTS ET DE LA CULTURE COMME VECTEUR DE DÉVELOPPEMENT ET ENJEU PRIORITAIRE.

3.2. Principales étapes

En 2012, le CCE entreprend de tenir des États généraux des arts et de la culture réunissant le secteur culturel et des intervenants de tous les milieux.

Chantier I : la démarche auprès des artistes et organismes culturels

Au printemps 2012, une centaine d’artistes et travailleurs culturels sont appelés à identifier ce qui leur semble être les enjeux prioritaires pour le développement culturel en Estrie, les besoins, difficultés, éléments de vision et actions susceptibles de faire progresser le positionnement des arts et de la culture. Sont identifiées la sensibilisation aux arts et à la culture, l’amélioration des conditions de création et une diffusion plus large des œuvres produites.

Chantier II : la démarche auprès de milieux susceptibles de jouer un rôle au plan culturel

Afin d’élargir le débat, six groupes de travail composés de personnes reconnues pour leur expertise réunissent secteurs suivants : affaires, éducation, médias, municipal, santé et tourisme. 75 personnes participent à 11 rencontres sectorielles au cours desquelles elles sont appelées à préciser la place et le rôle des arts et de la culture dans leur secteur. Les participants soulignent leur accord sur le rôle déterminant des arts et la culture; sur l’importance de collaboration et de concertation avec le milieu culturel; et sur la nécessité d’une stratégie culturelle.

CES ÉTAT GÉNÉRAUX ONT PERMIS DE STRUCTURER LES PISTES D’ACTION EN CONCERTATION AVEC LES MILIEUX CULTURELS ET SOCIO-ÉCONOMIQUES LOCAUX.

Chantier III : la rencontre des artistes et organismes culturels avec les divers milieux

Depuis 2014, des représentants de tous les secteurs se sont penchés sur les enjeux prioritaires suivants : reconnaissance par le milieu de l’apport des arts et de la culture; mécanismes de collaboration et de concertation interdisciplinaire et intersectorielle; financement public, privé et revenus autonomes; éducation culturelle; offre de services mutualisés aux artistes et organismes culturels; et virage numérique. Plus de 60 personnes ont assisté à 15 séances de travail. Deux recommandations et une quinzaine de pistes d’action ont émergé de ces rencontres. Le degré d’avancement varie selon les pistes d’action, certaines sont encore en phase de défrichage, tandis que d’autres pourraient être mises en œuvre rapidement.

Le Forum des États généraux

Un forum public a réuni plus de 160 personnes, citoyens et acteurs régionaux : artistes et travailleurs culturels; élus et responsables des MRC et des municipalités; dirigeants du monde de l’éducation et de la santé; gens d’affaires; personnes clés du tourisme; et représentants des médias. Il a donné lieu à des recommandations en matière d’arts et de culture; à des orientations pour guider les choix culturels des acteurs régionaux; à des projets potentiels de court et moyen termes; et à des engagements spécifiques pour divers partenaires. Le processus a amené de nombreux décideurs régionaux à discuter de la place des arts et de la culture. Désormais, il doit donner lieu à rédaction, publication et promotion et à la mise en marche des comités de réalisation des orientations et pistes d’action retenues.

4. Impacts

4.1. Impacts directs

Impacts sur le gouvernement local

Les États généraux ont permis de réitérer auprès des décideurs l’importance des arts et de la culture comme vecteur de développement et enjeu prioritaire, notamment auprès des préfets des MRC Dans le cadre des opérations de sensibilisation, 84 personnalités politiques d‘Estrie ont pris connaissance et signé l’A21C du Québec.

Impact sur la culture et les agents culturels locaux de la ville/territoire

Ils ont permis de structurer les besoins et les pistes d’action en concertation avec les milieux culturels et socioéconomiques locaux, pour les 5 à 10 prochaines années. 327 participations d‘artistes, professionnels et organismes culturels ont été recensées, faisant entendre leurs voix auprès des citoyens et des institutions publiques.

Impact sur le territoire et la population

Ils ont permis de donner accès au citoyen à l’art et à la culture locale.

4.2. Impacts transversaux

Les États généraux ont permis à divers secteurs de s’initier et de s’ouvrir davantage aux réalités des arts et de la culture. Le processus a donné l’envie et l’occasion pour des décideurs et des intervenants de ces secteurs de poursuivre la concertation, favorisant la réalisation d’actions liées à celle-ci. 233 participations ont été recensées.

4.3. Évaluation et continuité

La démarche est une démarche de mobilisation et ne fait pas l'objet à ce stade-ci de mesures d'évaluation. La finalisation des pistes d’action prioritaires, et la mise en œuvre des comités de réalisation des projets sont priorisés. Le degré d’avancement de chacun des projets et la stratégie de réalisation seront évalués sur une base annuelle.

5. Autres informations

L’Estrie a été candidate à la deuxième édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21” (janvier-mai 2016). Le Jury du Prix a élaboré son rapport final en juin 2016 et a demandé à la Commission culture de CGLU de faire rayonner ce projet comme étant une pratique exemplaire de la mise en œuvre de l’Agenda 21 de la Culture.

Texte approuvé en décembre 2016.

Bonne pratique publiée en janvier 2017.

Cette fiche a été réalisée par Pierre Mino, Directeur général du Conseil de la culture de l’Estrie, Québec, Canada.

Contact: pierre.mino (at) cultureestrie.org

The Estrie art and culture general assembly