Le Ngondo: Fête traditionnelle et rituelle des peuples côtiers camerounais

Contexte

Capitale économique et principale porte d’entrée du Cameroun, la Ville de Douala est une ville cosmopolite de près de 3 millions d’habitants, avec une croissance annuelle moyenne de la population de 4,87%, soit 150 000 nouveaux arrivants chaque année. Ville industrielle où cohabitent activités formelles et informelles, Douala est composé de six arrondissements et 150 quartiers. On y retrouve toutes les communautés camerounaises (240 ethnies différentes, de différentes régions du Cameroun, parlant plus de 208 dialectes), mais aussi de nombreuses communautés étrangères (plus de 30 consulats et près de 50 nationalités. La ville est également multiconfessionnelle, avec 56% de chrétiens, 24% de musulmans et 20% d’habitants attachés à d’autres croyances locales.

Située au fond du Golfe de Guinée, et ville limitrophe du Nigéria, Tchad, Gabon, Congo, de la République Centrafricaine et de la Guinée Equatoriale, Douala est au carrefour de nombreux flux économiques, tant à l’intérieur du pays qu’à l’échelle de l’Afrique Centrale.

Douala et la culture

L’Agenda 21 de la Ville de Douala témoigne de la place essentielle accordée à la culture pour un développement urbain durable. Dans le cadre de son élaboration, des concertations publiques ont été organisées dans chaque quartier, sur les thèmes de l’aménagement urbain, la salubrité, la préservation de l’environnement, la biodiversité, etc.

À l’issue de ce processus, des objectifs ont été définis, dont celui d’« inscrire la culture dans la vie et dans la ville », qui se décline à travers plusieurs actions, telles que : valoriser le patrimoine culturel Doualais, favoriser la mobilité et les échanges entre acteurs, travailler en réseau en assurant l’intégration et la promotion des associations et autres acteurs locaux, développer la concertation citoyenne, et créer des espaces culturels.

Partant de cette vision, un partenariat a été signé en 2008 avec l’Assemblée traditionnelle des Peuples SAWA. Ce partenariat vise entre autres le développement d’activités de conservation et de valorisation des arts et de la culture locale, symboles de l’identité de la Ville.

La politique de développement communautaire de la ville promeut la diversité culturelle, la mixité, l’inclusion et la paix sociale, en mettant en avant la culture locale, celle des autres régions camerounaises mais aussi celle des étrangers vivant à Douala. Aussi, la ville encourage les artistes et les créateurs locaux et soutient de nombreuses initiatives d’animations culturelles autour de l’identité urbaine de Douala.

Objectifs et mise en oeuvre du projet

1. Objectif principal et spécifiques

L’organisation de la fête traditionnelle et rituelle « Ngondo » a pour objectif de renforcer le vivre-ensemble au sein de la population doualaise, et de resserrer les liens de la communauté Sawa en particulier, globalement composée de l’ensemble des peuples côtiers (Douala, Bassa, Bakoko, Bakweri, Ewodi, etc).

De manière spécifique, le Ngondo vise à :

  • Créer des moments de rencontre et de partage autour d’animations urbaines 
  • Promouvoir l’identité culturelle des Peuples Sawa et affermir l’autorité et la pérennisation de l’Assemblée traditionnelle du Peuple Sawa;
  • Produire un impact sur la vie des communautés vivant à Douala 
  • Développer des activités économiques en rapport avec la culture.

L'ensemble des documents stratégiques de la ville de Douala, tels que l'Agenda 21, la stratégie de développement et le plan directeur d'urbanisme, sont conçus suivant une approche participative et transversale.

2. Développement du projet

Principales actions réalisées

Le Ngondo est la fête traditionnelle et rituelle du Peuple Sawa, peuple côtier camerounais issu de l’une des quatre aires culturelles du Cameroun. Le Ngondo a été institué en 1949 dans un objectif commémoratif, sur proposition de Stéphane Ndoumbe Ekale du Comité du Ngondo, et sous la supervision de l’Assemblée traditionnelle du peuple Sawa.  À l’origine, cette Assemblée représentait le tribunal coutumier du Peuple Sawa, avant de devenir dans les années 1900 un organe de défense de ses intérêts ; puis une institution de lutte pour l’indépendance du Cameroun en 1960.

Aujourd’hui, cet événement donne lieu à une fête cosmopolite rassemblant l’ensemble des cultures à Douala (celles des ethnies locales mais aussi des habitants originaires du Bénin, du Nigéria, du Sénégal, d’Inde, etc), autour de valeurs d’inclusion sociale et de non-discriminations de genre, d’âge, d’origine ou encore de statut social.  Chaque année, le festival Ngondo se tient tout au long du mois de novembre, pour se clore après une semaine riche de manifestations culturelles le premier dimanche du mois de Décembre, sur les berges du fleuve Wouri. Le partenaire principal du festival est la Communauté Urbaine de Douala.

Pendant la période du festival, un grand nombre d’activités de promotion culturelle sont organisées, telles que des visites des six grands cantons du Wouri, une foire-exposition, la réception d’autres ethnies du Cameroun et d’Étrangers, des concours de danse, de lutte traditionnelle, de course et de pirogues, des élections de miss, des cultes de grâces œcuménique suivant un thème de prédication, et le carnaval de la Ville de Douala.

Le Carnaval de la Ville draine un public venant de tous les horizons du Cameroun, d’Afrique et d’ailleurs. Il comporte toute une série d’animations, telles des podiums de musique contemporaines et traditionnelles, l’organisation d’activités gastronomiques, du street-painting, du Ngondo Pecten, une journée d’hygiène et de salubrité ou encore l’organisation d’un semi-marathon.

La Grande veillée du Ngondo réunit tous les patriarches et les membres de la population intéressée. De nombreuses manifestations-clés du festival s’y déroulent, notamment la demie finale de luttes traditionnelles, la finale de l’élection de la Miss, ou encore des animations de chorale.

La messe de l’eau constitue le clou de la fête, avec l’immersion du vase sacré sur les berges du fleuve Wouri, pour établir une relation profonde entre le monde invisible et le Peuple de l’eau. À la sortie du vase, on procède à l’interrogation des ‘‘mânes’’ et à l’interprétation des “augures”. C’est aussi à cette occasion qu’ont lieu la finale de lutte traditionnelle, la parade nautique, la course de pirogues, la parade urbaine, la proclamation des résultats et la remise des prix des compétitions.

Le Ngondo concoure également à des activités, régulières ou ponctuelles, qui visent plus largement le renforcement du vivre-ensemble, le maintien de la paix et de l’identité urbaine. C’est dans cette logique que s’est tenue la visite des Fon’s, Chefs traditionnels de la région du Nord-Ouest du Cameroun aux Dignitaires Sawa sur les berges du Wouri.

En 2017, le festival avait été organisé en coopération avec des partenaires internationaux du Bénin. Des collaborations avec le Nigéria, le Sénégal ou encore l’Inde sont envisagées en 2018 et pour les années futures. En parallèle du festival annuel, la construction d’une Maison de la Culture Sawa (en cours) vise à créer un lieu et une plateforme culturelle de référence.

Le budget du Festival culturel Ngondo s’élève à près de 185 millions de francs CFA (EUR 282 000). Il génère pour le moment des revenus liés à la vente de produits artisanaux, mais le modèle économique est encore en cours de définition.

Les principaux obstacles liés à l’organisation du festival concernent:

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  • Le mauvais état du site de 11ha où se déroulent les manifestations, encore en cours d’aménagement et de viabilisation ; il est notamment en proie à l’érosion fluviale.
  • Les difficultés pour mobiliser avant le Festival les financements à hauteur du budget prévisionnel, alors même qu’il faut payer certaines prestations en amont de l’événement. Cela pourrait démobiliser certains groupes. Cette situation a été évitée de justesse lors de l’édition 2017, grâce à un supplément budgétaire conséquent.
  • La mobilisation tardive de certains partenaires et communautés cibles.

Impacts

Impacts directs

Impact sur le gouvernement local

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  • Prise en compte des spécificités culturelles de Douala dans sa politique de développement urbain, notamment concernant le rapport du Peuple Sawa à l’eau 
  • Relations harmonieuses entre les autorités municipales et les autorités traditionnelles;
  • Intensification des activités d’éducation et de sensibilisation à la préservation de l’environnement.

Impact sur la culture et les acteurs culturels de la ville

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  • Préservation et valorisation de l’identité culturelle Sawa, d’autres cultures locales et même étrangères 
  • Promotion du milieu artistique et artisanal local 
  • Regain d’assurance et de confiance des artistes pour présenter leur art au grand public.

Impact élargi sur la ville ou le territoire et sur sa population

Outre les Peuples Sawa, résidant ou non à Douala, et les habitants de la ville, les activités ciblent aussi les associations locales, les sportifs, les commerçants, les entreprises locales et étrangères.

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  • Renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté Sawa 
  • Intérêt accru des participants pour le peuple Sawa et ses pratiques culturelles (cuisine, habillement, généalogie, danse, langue vernaculaire) 
  • Promotion du vivre-ensemble entre les communautés 
  • Développement d’activités économiques, notamment commerciales en lien avec ce festival ;
  • Attractivité croissante à l’international.

Évaluation

Le projet est d’abord évalué en interne par le comité de suivi de la mise en œuvre de la convention de partenariat Communauté Urbaine de Douala /Ngondo. Des réunions de concertation préparatoires ont été organisées, ainsi que des restitutions sur l’état d’avancement de chaque activité. Aussi, une soirée de gala d’échanges et de remerciements s’est tenue avec les Partenaires de l’évènement.

Concernant l’évaluation externe, des enquêtes et des entretiens ont été effectués auprès des invités et du public. Les radios et télévisions locales et nationales communiquent sur l’événement, et la grande messe de clôture y est retransmise en direct. Un journal intitulé « Magazine du Ngondo » est édité annuellement en vue d’informer le public. Enfin, un représentant du Président de la République, ainsi que plusieurs membres du gouvernement et de chefs de missions diplomatiques y sont présents.

Au fil des années, l'événement rassemble un nombre toujours croissant de participants, près de 85% des entreprises locales, et suscite un grand intérêt de la part du peuple Sawa et des autres communautés éthniques et religieuses.

Facteurs clef

Les facteurs clés pour la réussite de ce projet comportent :

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  • Le soutien des Chefs des communautés locales ;
  • L’engagement de la CUD à accompagner et à promouvoir l'évènement ;
  • La gestion du Ngondo – en tant qu’Assemblée traditionnelle – par les Chefs Supérieurs qui sont fortement impliqués dans la gestion des affaires publiques de tout ordre ;
  • La fédération des acteurs autour de l’organisation de l’évènement (partenaires, mécènes) ;
  • La représentation des Plus Hautes Autorités Nationales ;
  • La participation massive de la population aux différentes activités organisées.

Continuité

La prochaine édition du Ngondo est en cours de préparation. Cette nouvelle édition sera l’occasion d’améliorer plusieurs points, notamment concernant l’organisation du Carnaval de la Ville de Douala. A cet effet, des moyens supplémentaires nécessitent d’être trouvés tant en termes de ressources techniques que matérielles (organisation et d’animation, aménagement des sites, équipement...) et financières (prise en charge des invités et du public, paiement de prestations, coûts des trophées, communication évènementielle).

Information relatives

La Communauté Urbaine de Douala a été candidate à la troisième édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21” (novembre 2017- mai 2018). Le Jury du Prix a élaboré son rapport final en juin 2016 et a demandé à la Commission culture de CGLU de faire rayonner ce projet comme étant une pratique exemplaire de la mise en œuvre de l’Agenda 21 de la Culture, et comme mention spéciale de la troisième édition du Prix.

Cette fiche a été réalisée par Daline KENFACK épouse NOUMEDEM, Chargée d’études à la Direction des Études, des Investissements et des Opérations Économiques de la Communauté Urbaine de Douala, Cameroun.

Contact : momodalinenora (at) gmail.com

Site web de référence : www.douala-cm

Le Ngondo