Le "Bazar Sholough" à Mashhad

Contexte

La ville de Mashhad est une métropole d’une population de près de 3 millions d’habitant·e·s. Ville religieuse devenue attraction pour les pèlerin·e·s et les touristes en avec la présence du Mausolée du huitième Imam des Chiites, elle attire 25 millions de pèlerin·e·s chaque année. La ville est aussi un centre culturel historique, car elle a accueilli de nombreux maîtres de la littérature, de la musique et du cinéma. Mashhad est la ville iranienne la plus proche de l’Afghanistan, ce qui en fait l’une des premières destinations pour les réfugié·e·s Afghan·e·s, première population immigrée d’Iran ces 40 dernières années, en raison des guerres intérieures dont le pays a souffert.

La population de Mashhad a augmenté avec les années, les Afghan·e·s ayant immigré en 1980, 1997 puis 2003 et les Iranien·ne·s d'autres régions d’Iran se sont installé·e·s là à la recherche d’un lieu sûr, durant la guerre Iran-Irak qui a duré 8 ans.

Mashhad et la culture

Le Bazar Sholough est situé dans une banlieue de la ville de Mashhad, dans une zone urbaine particulièrement difficile, à la population relativement jeune (35-40 ans). La zone du marché se répartit sur environ 200 ha d’immeubles urbains, et la zone résidentielle, qui s'est grandement agrandie, se caractérise par une forte densité de population, avec des problèmes liés à la durabilité des constructions. Toutefois, ces 30 dernières années, les habitant·e·s ont co-existé sans tensions liées aux migrations, et ont assisté à une augmentation de leur niveau de vie, tout en faisant grandir une nouvelle génération créative, respectueuse et éduquée.

Entre la moitié des années 80 et des années 90, en dépit de son grand potentiel à créer une identité interculturelle à partir des communautés immigrées, la zone est devenue surchargée à cause d’une structure interconnectée et combinée de véhicules et de piéton·ne·s, et des problèmes d’assainissement ont émergé en raison du haut niveau des eaux souterraines. Plusieurs Maires de la ville ont lutté pour résoudre ce problème et faire baisser à la fois les embouteillages et faire face au dilemme de l’assainissement et ce, pendant 12 ans, en faisant élargir et ouvrir les rues, au travers d’un tout nouveau plan de développement.

Le cadre global de la politique culturelle de quartier visait à créer des conditions pour l'émergence des racines culturelles de la communauté immigrée, afin d'aborder les nécessités culturelles de cette communauté et trouver les solutions locales pour améliorer la communication avec la communauté d'accueil.

Au début, cela a causé une certaine résistance sociale car cet espace n’était plus une rue ou un passage, il était également devenu un espace social, refaçonnant ainsi l’identité de la zone. Pour faire face à cette résistance, les urbanistes ont dû réaménager la zone selon une approche créative, en incluant des propositions de nouvel-urbanisme et piétonnes, tout en préservant les centres socioculturels des quartiers.

Ce nouveau plan d’aménagement limitait les espaces attribués aux voitures, tout en mettant l’accent sur le développement des infrastructures urbaines, ainsi que sur l’établissement d’un réseau d’égout et l’évacuation des eaux superficielles de façon hygiénique, sans modifier ou gêner la structure physique urbaine. Les politiques culturelles ont été également prises en considération à travers la création de centres socioculturels, avec l'objectif de créer une atmosphère bienveillante à l’égard des enfants. Ce plan a été mis en place avec une attention particulière portée au respect de la forme et des proportions du tissu urbain mais aussi : à l’amélioration de l’espace piétonnier ; à la fourniture de services nécessaires aux habitant·e·s ; à l’usage et la promotion des signes culturels communs avec un accent sur l’identité et la culture autochtone de ses habitant·e·s ; avec la fourniture des infrastructures nécessaires à la collecte des eaux usées et des eaux superficielles ; et l’établissement d’une base pour l’amélioration de l’environnement urbain.

Objectifs et mise en oeuvre du projet

Objectif principal et spécifiques

L’objectif de ce projet est de préserver les caractéristiques culturelles de cette zone multiculturelle tout en améliorant l’usage de l'espace urbain et les conditions pour le commerce afin de créer un environnement urbain dynamique. Les objectifs spécifiques sont les suivants :

  1. Mettre en place une atmosphère interactive et sociale, fondée sur les racines culturelles de la communauté immigrée d’Afghanistan, un pays déchiré par la guerre.
  2. Aménager l’espace public de façon à ce qu’il soit adapté à l’identité des quartiers, et devienne un endroit piétonnier.
  3. Veiller à la protection de l'environnement et préserver les ressources existantes comme l’eau, la terre et le climat pour les générations futures.
  4. Faire de Mashhad une attraction de tourisme urbain.

Développement du projet

Principales actions réalisées

Le « Bazar Sholough » est situé dans une partie émergente de Mashhad, une zone dynamique et jeune et pourtant peu attrayante. En 2017, le projet a démarré en créant et en améliorant les infrastructures urbaines, afin de réhabiliter le site. Cela a d'abord généré de plus grands bénéfices économiques pour les propriétaires fonciers locaux et a créé une plus grande satisfaction chez les habitant·e·s, à mesure que le quartier devenait plus viable économiquement, plus agréable et plus sûr.

Le marché traditionnel permet un grand échange culturel et une grande adaptation entre les différentes nationalités, principalement Afghan.e.s et Iranien.ne.s, sans doute en raison de leurs origines culturelles communes.

Ensuite, des réunions ont été organisées avec les citoyen·ne·s pour les informer des objectifs et résultats de ce projet ; les plans d’exécution ont été préparés et développés avec l’aide d’urbanistes et de sociologues.

Les principaux problèmes que le plan souligne sont : l’accessibilité de la zone aux voitures, la pollution de l’air causée par un système de transports non publics, une abondance des eaux superficielles, le vieillissement du tissu urbain et la présence de flux hydrologiques de l’approvisionnement en eau urbain qui endommagent les édifices. Un autre problème a été la nécessité d’accroître la présence sociale des femmes et susciter une plus grande confiance en soi chez les enfants.

Suite à la rédaction de ce plan, un groupe d’investissements a été formé, une structure pour les égouts a été conçue et mise en place, et très prochainement, une usine de traitement des eaux usées sera mise en service à une distance adéquate, pour permettre la réutilisation de l'eau. De même, des canalisations et le système d’évacuation des eaux superficielles et des artères voisines ont été créés et sont actuellement mis en oeuvre.

La mise en oeuvre du projet s’est effectuée selon quatre étapes :

  1. Actions de base : information, négociation et éclaircissements concernant le plan auprès des habitant·e·s et parties prenantes ; identification des problèmes actuels et des barrières liées à la mise en oeuvre et à la participation publique.
  2. Actions sous-jacentes : préparation de la documentation de conception et d’exécution ; communication avec les organisations locales affectées par les changements dans le tissu urbain (compagnies des infrastructures telles que l’eau, l’électricité, etc.)
  3. Infrastructures : mise en place de canalisations et conduites pour les eaux usées et évacuation des eaux superficielles et raccordement des canalisations.
  4. Superstructures : réhabilitation des installations locales, murs, pose de passerelles, équipements pour les enfants ; communication sur l’usage, les instructions de conception et l'architecture des bâtiments existants.

Le projet a été conçu et développé par la municipalité du District 5, en fonction des nécessités de ses habitant·e·s, et il a été concrétisé par les ingénieurs du Bianyan Traffic Advisor, après approbation par le Bureau d’études de la Municipalité de Mashhad. Il faut souligner que lors de ce processus, plusieurs groupes universitaires ont participé à l’étude et à l’analyse du projet, des entrevues et des questionnaires ont été menés pour évaluer les besoins et les opportunités de la zone.

Selon son plan d’action, les coûts du projet sont d’environ 950 000 $ pour une période de 10 mois. Une partie de ces coûts sera financée par la municipalité de Mashhad.

Impacts

Impacts directs

Impact sur le gouvernement local

Le principal impact du projet sur le gouvernement local a été un changement de comportement dans la gestion urbaine vers une approche plus régionale et territoriale, ici focalisée sur la zone du marché, qui donne un aperçu de l’environnement de périphérie. Ce projet a mené au développement de stratégies de transformation plus agressives, en particulier avec la forte croissance du marché encourageant les initiatives commerciales et l’amélioration des conditions de vie et la consolidation du quartier.

Impact sur la culture et les acteurs culturels

Ce projet a eu un impact positif et fort sur la confiance sociale et a amélioré la participation des citoyen·ne·s, dans les opérations liées aux égouts et à l’expansion urbaine par exemple, et au travers de la coopération pour le forage et la non-ingérence dans le travail du groupe technique et de l'entrepreneur. Grâce aux conseils de quartier, les habitant·e·s ont pu négocier, exprimer leurs désirs, leurs besoins et leurs opinions sur le flux continu de développement de l’espace.

D’autre part, les travaux de construction ont contribué directement à diminuer les cas des maladies causées par les piqûres et morsures d’insectes (sangsues).

Dans la culture Iranienne et dans le processus d'urbanisation du pays, le concept de "tenacité" signifie "qui s'éteint par soi-même mais qui ne reste pas": tout changement dans l'environnement urbain doit être assez flexible pour s'adapter aux transformations futures en termes d'identité locale et d'usage.

Impact sur le territoire et sa population

La transformation globale a permis à une partie de la population, en particulier les jeunes et les filles, d'effectuer des trajets plus sûrs en rentrant de l’école, et les habitant·e·s Afghan·e·s ont pu créer des racines sociales plus solides dans le quartier.

En termes de développement économique, plusieurs activistes ont été impliqué·e·s sur les questions et les discussions économiques, des capitaux étrangers ont été mobilisés au travers d’opérateurs internationaux et un cadre commercial-administratif a été établi comme marché des nations pour fournir les ressources humaines nécessaires.

Évaluation

Le mécanisme d’évaluation clé a été l’introduction de processus participatifs, en mettant l’accent sur l’idée que la satisfaction de chaque citoyen·ne peut s’obtenir seulement si leurs besoins humains sont satisfaits, et ce, de différentes façons. L’évaluation se fonde sur une série de paramètres tels que la « qualité de vie », qui fait généralement référence à l’environnement où les gens vivent, et qui comprend les aspects de la pollution de l’air, de la qualité des logements, ainsi que des caractéristiques individuelles, telles que la qualité de la santé et l’accès aux services de soins.

La qualité de l'environnement entre dans les cinq principales catégories des nécessités physiques, aux côtés des besoins de sûreté et de sécurité, des nécessités sociales et de la dépendance sociale, et le besoin de respect social, et enfin la nécessité d’amélioration.

Facteurs clefs

  • Recours à des capacités à petite échelle privées et axées sur le développement pour susciter le développement de la communauté.
  • Concurrence entre les zones urbaines fondée sur les modèles orientés vers l'avenir et la création de zones de tourisme urbain.
  • Recours à un modèle de ville pour un développement compact (entre autres aménagements), en utilisant ces modèles pour négocier la réhabilitation des zones urbaines.
  • Usage du cadre du développement durable pour promouvoir les installations telles que le système d’égout et d’évacuation des eaux superficielles, adaptées aux générations futures, pour créer des logements écologiques.
  • Au travers de l’amélioration du contexte urbain, stimuler le développement et l’amélioration des conditions pour les entreprises, des bâtiments plus sécurisés et des infrastructures plus sûres et réduire les risques dus aux catastrophes naturelles.

Continuité

L’enseignement donné aux enfants de la zone au travers de ce projet améliorera le niveau futur d’éducation et des connaissances culturelles, ce qui mènera à de meilleures conditions de vie. Ces paramètres sont des encouragements qui stimulent l’aménagement de lieux similaires dans les zones avoisinantes, s’étendant graduellement à d'autres quartiers.

En savoir plus

La municipalité de Mashhad été candidate à la troisième édition du Prix international CGLU-Ville de Mexico-Culture21 (novembre 2017 - mai 2018). En juin 2018, le jury a publié son rapport final et demandé à la Commission Culture de CGLU de promouvoir ce projet comme exemple de bonne pratique de la mise en oeuvre de l'Agenda 21 de la Culture.

Cette fiche a été rédigée par : Amir Gohari, responsable de projet et Hossein Nejad, directeur du département d’urbanisme et d’architecture de la municipalité de Mashhad & (Bureau de la coopération internationale), Iran

Contact : isfahanizadeh@mashhadisco.ir

Site web : https://shahrsazi.mashhad.ir

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