Décentralisation de la culture, Porto Alegre

1. Contexte

Porto Alegre est la capitale de l'État de Rio Grande do Sul au Brésil, situé à la frontière avec l'Uruguay et l'Argentine. La ville compte 1.350.000 habitants et elle s’est fait connaitre dans le monde entier en tant que siège des premières éditions du Forum Social Mondial et pour sa mise en œuvre du Budget Participatif, recommandé par l’ONU comme modèle de participation directe des citoyens aux décisions du gouvernement. C’est lors du Troisième Forum Social Mondial, au cours duquel la Municipalité a mis en avant le Forum Mondial des Autorités Locales pour l'Inclusion Sociale, qu’est née l'idée d'un document de portée internationale qui mettrait l'accent sur la nécessité d'une plus grande implication des gouvernements locaux dans le domaine culturel. Cette rencontre a permis d’approuver l'Agenda 21 pour la culture, conçu avec une large participation des dirigeants culturels et qui a été soumis au Quatrième Forum de Porto Alegre de 2004 à Barcelone. Ce forum a également vu naitre l'union des réseaux de villes qui formèrent CGLU.

La ville de Porto Alegre détient une longue tradition démocratique. C'est de cette ville que Getúlio Vargas est parti rejoindre Rio de Janeiro en 1930, lors de la Révolution de 30, pour gouverner le Brésil jusqu'en 1945, puis entre 1950 et 1954 pour un second mandat. L’ancien président João Goulart est aussi un « gaucho »; il a été destitué suite au coup d'Etat militaire de 1964 et mourut pendant la dictature militaire. Même si la présidente actuelle Dilma Rousseff, est née dans le Minas Gerais, la plus grande partie de son histoire politique est liée à Porto Alegre et à Rio Grande do Sul, avant d'arriver à Brasilia. Dans le domaine culturel, Porto Alegre est l'un des centres les plus importants pour la littérature et la production audiovisuelle brésiliennes.

Le projet de DECENTRALISATION marque la transition entre une période au cours de laquelle les politiques culturelles locales se contentaient de faire la promotion discontinue d’activités artistiques ou civiques dans les écoles les plus centrales ou dans les équipements culturels bien établis, situés principalement dans le district central, vers une période avec davantage de présence et d'intervention du pouvoir local dans la culture. Bien que Porto Alegre ait connu d’importants moments d'expression créative (théâtre, musique et littérature), les investissements et les politiques culturelles de la ville n’étaient pas significatives et n'avaient pas les moyens d'intégrer la périphérie, ni la prétention de le faire, jusqu'à la fin des années 70. Les changements apportés par la révolution technologique (domaine des communications), et les premiers effets d'un contexte mondial observé dans les années 80, ont contribué à élargir le spectre des politiques publiques municipales. La fin de la dictature militaire et le retour des élections libres et directes, notamment pour choisir les maires des capitales, ont également contribué à créer cet environnement. L'Assemblée constituante de 1988 a scellé cette nouvelle ère en augmentant les ressources et attributions des Municipalités quant à leur fonction sociale dans le contexte fédéral du pays.

Dans le domaine spécifique du secteur culturel, les avancées furent visibles à Porto Alegre grâce à la création du Secrétariat Municipal à la culture et d’une série de programmes, notamment le programme de Décentralisation. Une question soulevée à l'époque : comment faire pour que les investissements dans la culture arrivent à la périphérie et comment donner une chance à ces quartiers de jouer un rôle et de donner plus de visibilité à leur production culturelle. A l'origine de la conception du programme de décentralisation de la culture, il fallait que l'accès à la culture englobe la réalisation de meilleurs spectacles, la circulation de la production des artistes locaux et l'appréciation des mouvements culturels de la périphérie. Le concept central de la politique du programme est de transférer l’offre culturelle du centre vers les quartiers plus distants et périphériques. La Culture devait également lutter pour obtenir les investissements que la municipalité a commencé à réaliser à travers le Budget Participatif. Il est entré en vigueur en tant que méthode d’organisation budgétaire à Porto Alegre au début des années 90.

Une de ses particularités est la décision d'investir dans des programmes culturels, des ateliers et des activités, au lieu de donner la priorité aux investissements dans les centres culturels décentralisés. Cette expérience a déjà été tentée, également dans d'autres villes du Brésil, et elle s’est révélée insuffisante, car les bâtiments destinés aux activités décentralisées étaient incapables de répondre aux demandes de la communauté. Cette prise de conscience se base sur le coût élevé de construction et d'entretien des espaces fixes, contrairement aux résultats des investissements dans les programmes menés en partenariat avec les institutions, les ONG et les associations communautaires actives et déjà en place. En outre, ces 20 dernières années, le développement local, urbain et social de Porto Alegre s’est concentré davantage sur le renforcement des micro-centres locaux, et non sur la concentration des services dans la zone centrale. La même tendance peut être observée dans d'autres secteurs du gouvernement (éducation, santé et services publics urbains). L’idée était de répondre aux besoins de la communauté au plus près de son lieu de résidence. Le projet s’est finalisé en mettant sur la scène culturelle les nouveaux agents qui avaient émergé de ces activités, en plus des artistes et des spécialistes culturels déjà en place.

La municipalité a mis en avant le Forum Mondial des Autorités Locales pour l’inclusion sociale, lorqu’est née l’idée d’un document de portée internationale qui mettrait l’accent sur la nécessité d’une plus grande implication des gouvernements locaux dans le domaine culturel.
 

2. Porto Alegre et la culture

À la fin des années 80, Porto Alegre a commencé un nouveau cycle de politiques culturelles avec la création du Secrétariat Municipal à la Culture, désolidarisé du domaine de l’éducation, qui a acquis une plus grande autonomie et davantage de ressources au sein de la Municipalité. Suite à cette importante étape, la ville a procédé à la mise en œuvre d'un grand nombre de programmes et d'initiatives de valorisation de la culture locale, de préservation du patrimoine culturel, de financement de la production artistique locale, de renforcement des cultures populaires, d'amélioration des espaces publics, d'expansion des espaces de vie sociale, et de décentralisation des activités culturelles qui perdurent à ce jour, en dépit de l'alternance de direction du gouvernement local au cours de cette période, qui a connu 7 maires provenant de trois partis politiques différents. Afin de financer ces activités, 3 fonds ont été créés au début des années 90 :

  1. FUNCULTURA, destiné au financement d’activités diverses, telles que le fameux festival de théâtre PORTO ALEGRE SUR SCENE, qui en est maintenant à sa 16ème édition, et à l’entretien des espaces culturels existants, ainsi qu’à la création de nouveaux espaces;
  2. FUMPAHC, qui finance des actions de conservation, de conseil et de diffusion du patrimoine culturel de la ville;
  3. FUMPROARTE, dont les ressources financent une importante partie de la production culturelle locale, des livres, des lieux, des productions d’arts de la scène et d’arts visuels, du cinéma, de la musique, et d'autres créations d'artistes et de producteurs culturels locaux.

Au sein de Funcultura, le projet de Décentralisation reçoit depuis une vingtaine d’années la plus grande partie des ressources, car il s’agit notamment d’un projet au profil démocratique et au caractère populaire qui permet un plus grand accès à la culture.

Le programme promeut et met en valeur la diversité culturelle: le programme de décentralisation du secrétariat municipal à la Culture de Porto Alegre (SMC-POA) est la principale porte d'entrée de la diversité culturelle de la ville au sein des politiques publiques de la Municipalité de Porto Alegre (selon les principes et l'engagement énoncés dans l'Agenda 21 pour la culture). Le Programme favorise un accès accru à la culture et une augmentation des possibilités d'expression, en permettant une intervention de la Municipalité en faveur des Droits Culturels. Il est basé sur le principe inscrit dans l'Agenda 21 pour la culture, selon lequel le développement doit s’appuyer sur la multiplicité des acteurs sociaux, la transparence et la participation citoyenne. Le programme favorise le dialogue entre l'identité et la diversité culturelle. Il contribue au développement durable de la ville et des territoires locaux, en renforçant la Communauté. Il respecte le soutien des fêtes traditionnelles et populaires liées à diverses pratiques religieuses avec des ressources municipales, telles celles que l’on trouve dans la culture noire, gitane et populaire. Il répond également à l'engagement de « mettre en œuvre des actions visant à la décentralisation des politiques et des ressources destinées à la Culture, en légitimant l'originalité créative des zones périphériques, en favorisant les secteurs sociaux les plus vulnérables, en défendant le principe du Droit à la Culture pour tous les citoyens sans discrimination d'aucune sorte »", fragment inclus dans le document inspiré par l'expérience de Porto Alegre lors des discussions pour sa formulation.

3. Finalité, objectifs et mise en oeuvre du projet

3.1. Finalité et objectifs spécifiques

L’objectif vise à la déconcentration des investissements dans la culture, pour l’intervention de la municipalité à travers une politique publique cohérente visant a renforcer les communautés et à élargir le droit d'accès à la culture dans son intégralité, notamment dans les zones périphériques.

3.2. Actions et résultats (basés sur 2013)

Le programme est exclusivement réalisé avec les ressources de la Municipalité de Porto Alegre et a été mis en œuvre en collaboration avec de nombreuses entités civiles et organisations non gouvernementales et gouvernementales (Conseil Général du Budget Participatif, Commission thématique de la Culture du Budget Participatif, Conseil Municipal de la Culture, Associations Communautaires Groupe Afrotchê, Groupe Odomodê, Groupe Ilê Mulher, Groupe Garga Animações de Atividades Circenses). Les actions ont été :

  • 110 ateliers d’une durée de 8 mois dans 14 quartiers différents de la ville;
  • « Omnibus Escenario » : 14 événements décentralisés;
  • Cinéma dans les quartiers : 110 séances.

Le programme a bénéficié à toutes les communautés des 17 districts de la ville (division du Budget Participatif). En 2013, on estime que 200 000 personnes ont bénéficié des activités. 2500 personnes rien que pour les ateliers ont participé l'an dernier.

4. Impactos

4.1. Impacts sur le gouvernement

Le programme a représenté une innovation des politiques publiques au niveau municipal car il intégrait les périphéries et les différents districts de la municipalité sur la liste des activités et des investissements du Secrétariat municipal à la culture. Cependant, le principal impact a été la qualification du catalogue des services mis à la disposition de la ville à travers le Budget participatif, qui a amélioré la qualité du processus et a renforcé l'instrument de participation le plus important des citoyens aux prises de décisions du gouvernement. Pour le Secrétariat Municipale à la Culture, le Programme de Décentralisation représente le plus gros investissement parmi toutes les autres initiatives. De même, le programme garantit une plus grande présence permanente dans tous les districts, ce qui contribue à renforcer la crédibilité de la municipalité auprès de la population.

Le programme favorise un accès accru à la culture et aux opportunités d’expression, en permettant une intervention de la municipalité en faveur des droits culturels. il est basé sur le principe inscrit dans l’Agenda 21 de la culture, selon lequel le développement doit s’appuyer sur la multiplicité des acteurs sociaux, la transparence et la participation citoyenne.

4.2. Impacts sur la culture et les agents culturels de la ville

Le principal impact provient de la volonté du projet de donner une visibilité aux manifestations culturelles populaires et traditionnelles et aux mouvements de la périphérie, en particulier l'intégration de groupes de capoeira, hip-hop et ceux liés à la musique noire (musique, tambours et carnaval). Un autre impact significatif est l'émergence de nouveaux noms parmi les artistes, les autochtones de ces groupes et mouvements, ainsi que des ateliers de Décentralisation.

4.3. Impact sur le territoire et sur sa population

Jusqu'à la création du programme, les habitants de Porto Alegre jouissaient peu, ou presque pas du plaisir culturel, de l'accès à la formation pour les activités culturelles ; ils avaient peu de chances de connaître, par exemple, les grands noms de la musique locale qui sont présentés dans les programmes décentralisés ; d’apprécier le spectacle des grandes écoles de samba qui n’étaient auparavant présentés que dans leur propre quartier ou dans le lieu prévu pour les défilés pendant le carnaval ; et enfin, parmi les autres options proposées par le projet, ils peuvent profiter de séances de cinéma à proximité de leur domicile. Les bénéfices du programme se ressentent principalement sur l'atmosphère et la qualité de vie des familles résidant loin des salles de spectacles, des théâtres, et du centre, mieux équipé d’équipements pour la culture et les loisirs. Un autre impact qui doit être mentionné est celui de l'estime de soi, l'occasion de découvrir ce que la ville a de plus ludique et d’éducatif. Porto Alegre a également joui d’une reconnaissance à l'échelle nationale et internationale pour ses politiques et l'intervention du gouvernement local dans le domaine de la culture, en particulier pour la qualité de la liste de services offerts par le Budget Participatif.

4.4. Impactos transversales

Aucun impact n’a été mesuré avec précision dans ces domaines mais le programme a permis l'élargissement des possibilités d'accès à la culture pour les habitants et leur a donné la possibilité d'être entendus dans toute la ville et d'exprimer leurs luttes. L'exemple le plus évident est l'association pour la Décentralisation qui a conclu un partenariat avec les mouvements des Noirs et des femmes, avec par exemple le groupe Odomodê, Afrotchê e Ilê Mulher. Ce partenariat est en place depuis plus de dix ans et ces groupes possèdent des espaces construits dans la périphérie avec une programmation régulière d'ateliers organisés par le Programme de Décentralisation.

4.5. Continuité

Compte tenu des récents développements liés à la plus grande responsabilité des municipalités dans le contexte fédératif brésilien, qui a généré de grandes difficultés financières au cours des dernières années, et compte tenu de la croissance démographique et de l'expansion de la zone urbaine, le Programme de Décentralisation ressent également le besoin d'être renforcé, en plus de la nécessité de renouveler la méthode de Budgétisation Participative. Le Secrétariat Municipal à la Culture a prévu les mesures suivantes :

  • Encourager dans les communautés le renforcement de la Commission à la Culture au sein du Conseil du Budget Participatif ;
  • Renouveler les équipements de Coordination de la Décentralisation du Secrétariat Municipal à la Culture ;
  • Augmenter les investissements (en 2014 il est prévu de maintenir le même niveau que celui de 2013, soit environ 600 000 dollars USD, avec davantage de ressources provenant des instruments de stimulation à la culture des gouvernements provinciaux et fédéraux) ;
  • Une meilleure intégration du Programme des Points de Culture du Gouvernement Fédéral.

Une des questions à l’époque: comment faire pour que les investissements dans la culture arrivent à la périphérie et comment donner une chance à ces quartiers de jouer un rôle et de donner plus de visibilité à leur production culturelle.

5. Informations relatives

La Ville de Porto Alegre a été candidate à la première édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21 » (janvier-mai 2014). Le Jury du Prix a rendu son rapport final en juin 2014 et a sollicité la Commission culture de CGLU pour la reconnaissance de ce projet comme une pratique exemplaire de l’Agenda 21 de la culture.

Candidature approuvée en septembre 2014.

Bonne pratique publiée en octobre 2014.

Cette fiche a été réalisée par Vitor Ortiz, Conseiller municipal adjoint à la Culture.

Contact: vitor.ortiz.cultura (at) gmail.com

Réseaux sociaux : https://www.youtube.com/watch?v=fj6LXyNpoG8

https://www.youtube.com/watch?v=5DUc87f0tqg

Decentralization of culture, Porto Alegre