Cinecarioca, Rio de Janeiro

1. Contexte

À Rio de Janeiro, les communautés vulnérables font partie de la réalité urbaine. Ces zones ont été soumises à différents types de politiques publiques aux approches allant du rejet, à la démolition, en passant par le déplacement de la population et les projets de logement, jusqu'à leur reconnaissance en tant que quartiers précaires, sujets aux programmes d'amélioration des infrastructures et à leur intégration physique, économique, sociale et juridique aux systèmes de gouvernance officiels et au développement de la ville dans sa totalité. Le complexe de bidonvilles Alemão est composé de 15 communautés totalisant environ 70 000 résidents et 20 000 logements.

En décembre 2008, les Unités de Police Pacificatrice (UPP) créées par le Secrétariat à la sécurité de l'État de Rio de Janeiro ont effectué leur premier déploiement. Il s'agit d'un nouveau modèle de sécurité publique et de maintien de l'ordre, qui vise à restaurer le contrôle légal et institutionnel des territoires à travers la surveillance de proximité. Par conséquent, la pacification permet l'amélioration

des politiques publiques dans ces zones et leur intégration à la ville. En 2010, le complexe de bidonvilles Alemão (Complexo do Alemão), l'un des bastions les plus influents du trafic de drogue de la ville a été pris par la police suite à une intervention d’envergure. L'un des résultats de cette opération a été l'intégration du bidonville au programme social Morar Carioca, qui vise à formaliser les favelas de Rio de Janeiro en investissant dans les services d'infrastructures, le logement et la planification urbaine.

CineCarioca a été conçu dans le cadre de ce programme, en prêtant une attention toute particulière au manque de lien social et d'espaces culturels de cette communauté.Le Complexo do Alemão est un territoire où la plupart des jeunes ne sont ni étudiants ni travailleurs. Étant donné le manque de connexion efficace entre les institutions culturelles, la jeunesse et les écoles, CineCarioca s'occupe du divertissement, des arts et de la pensée critique et a pour but de cultiver des esprits créatifs et d'encourager l'affirmation des cultures dans les dimensions humaines, économiques, politiques et sociales.

2. Rio de Janeiro et la culture

L'économie créative de Rio de Janeiro est une source croissante de richesses. La valeur du patrimoine matériel et immatériel est donc envisagée comme un générateur potentiel de revenus et d'emplois. Le projet CineCarioca et d'autres similaires démontrent la volonté de la ville à investir dans la culture et la créativité afin de remédier aux inégalités et à encourager le développement. Par exemple, la redynamisation actuelle de la zone du port renforce la valeur du patrimoine et intègre des perspectives à la fois sociales, économiques et culturelles. Les infrastructures culturelles sont améliorées et la mise en place de nouvelles installations culturelles en fera l'une des zones les plus attrayantes de la ville : le Musée d'Art de Rio (MAR) a été inauguré en 2013 et le Musée de Demain de Rio est en construction.

Les politiques culturelles élaborées à Rio de Janeiro prennent donc en compte les nouvelles conditions de travail, de transport, de culture et de loisirs comme les facteurs d’un paysage urbain plus démocratique. Le logement, la création d'emplois et la formation professionnelle sont des éléments d'élaboration de politiques. De plus, le soutien aux initiatives locales des groupes culturels cherche à moderniser la ville tout en préservant son identité.

Le cinéma comme une « fenêtre ouverte sur le monde » a aidé de nombreux résidents à élargir leur horizon, les motivant à chercher de meilleures opportunités professionnelles. (...) le tarif abordable permet aux familles vivant aux alentours du complexo do alemão de venir régulièrement au cinéma.

La mairie de Rio est convaincue qu'offrir un accès aux droits culturels est une façon de remédier aux inégalités sociales. CineCarioca est mis en place dans une favela récemment pacifiée et débarrassée du crime organisé depuis 2010. CineCarioca offre ainsi du dialogue et une expérience interculturelle, outils d'inclusion sociale qui rapprochent les spectateurs et s'appuient sur la participation culturelle. En outre, et afin d'encourager les gens ne pouvant se permettre d'aller au cinéma, les tickets sont subventionnés. Le cinéma est géré par une entreprise privée, choisie sur appel d'offre public, assurant ainsi l'équilibre entre intérêt public et développement de marché. Le projet fonctionne donc comme un instrument permettant de renforcer le développement humain et la promotion de la paix, en jouant un rôle stratégique dans la redynamisation urbaine, tout en encourageant l'industrie culturelle et la création d'emplois.

De surcroît, le projet École CineCarioca (CineCarioca Escola) relie les installations culturelles et les écoles, garantissant l'accès des enfants de tous les âges au cinéma en matinée, ce qui développe les sensibilités individuelles et aide à la promotion de la cohabitation et de la citoyenneté. École CineCarioca est un programme qui dure une année et qui est destiné aux élèves du quartier. Des projections privées sont offertes aux enfants, ce qui leur permet de découvrir le cinéma brésilien. Le programme consiste en des projections le matin de films sélectionnés et présentés en collaboration avec les écoles. L'objectif central du programme est l'expérience d'aller au cinéma, en particulier car 91 % du public du CineCarioca n'avait jamais été au cinéma auparavant. Les films sont ensuite suivis d'une discussion en classe.

3. Finalité, objectifs et mise en œuvre du projet

3.1. Finalité et objectifs spécifiques

L'objectif général du projet CineCarioca est l'équilibre territorial de l'offre culturelle dans la ville, l'amélioration de la cohabitation et de la qualité de vie, le développement de l'inclusion sociale et la redynamisation urbaine tout en renforçant la capacité critique des citoyens.

Les objectifs spécifiques de CineCarioca sont les suivants :

  1. Améliorer l’accès et développer l'habitude d'aller au cinéma ;
     
  2. L'équilibre territorial de l'offre culturelle de la ville ;
     
  3. Le développement de l'inclusion sociale et des liens entre les communautés ;
     
  4. La transformation urbaine à travers la mise en place d'espaces publics culturels.

3.2. Action et obstacles

La mairie a investi 1,5 millions de dollars dans la construction et 150 dollars/an de subvention. La gestion est effectuée par une entreprise externe, qui a été choisie après appel d'offre public. Les principales actions entreprises ont mené à 5 000 projections de 200 longs métrages (chiffres de septembre 2014). Le prix du ticket est de 2 dollars tandis que dans le reste de la ville, la moyenne est de 5 dollars. CineCarioca propose 4 séances par jour, 7 jours sur 7. Le cinéma accueille également des avant-premières nationales et étrangères ainsi que des festivals du film et des séries de films. De plus, 14 000 élèves des écoles publiques ont pu se rendre au cinéma grâce au programme extrascolaire CineCarioca Escola. La participation aux arts des élèves leur offre des expériences empiriques, affectives et esthétiques qui sont essentielles au développement humain. Par ailleurs, nous tenons à souligner que les employés du cinéma vivent dans la communauté.

CineCarioca investit dans la culture afin d'améliorer la cohabitation et la qualité de vie, le développement de l'inclusion sociale et la redynamisation urbaine tout en renforçant la capacité critique des citoyens.

Au Brésil, seulement 9 % de la population va au cinéma. L'un des principaux obstacles a été de surmonter les préjugés et croyances populaires relatifs au cinéma, tels que : « l'entrée est trop chère », « je n'aime pas aller au ciné », « je ne sais pas ce qu'ils passent au cinéma » et « il n'existe pas de cinéma près de chez moi ». Le résultat est, pour le moment, que plus de 250 000 tickets ont

été vendus au tarif de 6 dollars, investis par l'État dans chaque citoyen. 91 % du public de CineCarioca n'avait jamais été au cinéma avant et ces nouveaux cinéphiles peuvent potentiellement augmenter le développement du marché dans un futur proche. À la suite de la mise en place de CineCarioca, la mairie a entrepris un certain nombre de constructions dans la zone. Depuis, les petits commerces fleurissent, la vente de DVD pirates a grandement diminué dans la zone et des distributeurs automatiques de billets ont été installés.

3.3. Résultats

70 000 personnes vivent dans le Complexo do Alemão. L'indice de développement humain de ce territoire est de 0,711 et il a été essentiellement dû au trafic de drogue et au crime organisé ces dernières décennies. Depuis 2010, la police a mis en place une politique publique de pacification, sécurité et urbanisation de la zone. Tout d'abord, de nombreuses personnes vivant dans le Complexo do Alemão se sentent désormais plus rassurées de sortir à l'extérieur. Certains des résidents du Complexo do Alemão qui n'avaient jamais quitté la communauté, après avoir vu des films et été en contact avec des activités culturelles, ont commencé à explorer la ville.

Par conséquent, le cinéma, telle une « fenêtre ouverte sur le monde » a aidé de nombreux résidents à élargir leur horizon, les motivant à chercher de meilleures opportunités professionnelles. Ensuite, le cinéma attire des personnes du quartier qui n'ont plus peur de sortir de la communauté. Le tarif abordable permet aux familles vivant aux alentours du Complexo do Alemão de venir régulièrement au cinéma. Cette habitude crée de nouveaux liens entre les habitants des bidonvilles et leur ville. La population fait donc l'expérience des bénéfices sociaux, comportementaux et économiques du projet CineCarioca.

4. Impacts

4.1. Impact sur le gouvernement local

Ce que la mairie de Rio de Janeiro a tiré de l'expérience CineCarioca est que les stratégies de développement culturel sont des outils essentiels à la création de conditions de paix. L'expansion d'une chaîne de cinémas de quartier est en cours de développement afin de promouvoir l'équilibre territorial de l'offre culturelle et des droits culturels dans la périphérie de la ville. L'objectif est de construire un nouveau CineCarioca chaque année aux standards DCI (Digital Cinema Initiatives) pour les cinémas, dans d'autres points stratégiques de la ville, dotés de 2 écrans et au moins un écran 3D.

4.2. Impact sur la culture et ses travailleurs locaux

Le projet a changé et redessiné les limites territoriales et humaines de la ville. De nombreuses personnes vivant dans le Complexo do Alemão se sentent désormais plus rassurées de sortir à l'extérieur et certains, après avoir vu des films et été en contact avec des activités culturelles, ont commencé à explorer la ville.

4.3. Impact sur le territoire et sur la population

Le succès de CineCarioca a inspiré des politiques et programmes municipaux sur la culture, la planification et la réhabilitation urbaines. Des projets se basant sur la communauté et reliant arts, éducation et technologie sont mis en place dans les zones où la demande d'espaces culturels est élevée, comme les zones du nord et de l'ouest.

4.4. Impacts inter-secteurs

Les impacts transversaux des projets sont principalement les bénéfices indirects tels que la création d'emplois et la diminution de la vente de DVD pirates.

4.5. Continuité

En ayant à l'esprit l'augmentation des besoins culturels des citoyens, les subventions apportées au CineCarioca ont été garanties pour les prochaines années. De plus, l'expansion de la chaîne CineCarioca est en cours de développement. En novembre 2011, le deuxième CineCarioca a été inauguré à Meier. Le cinéma de quartier a été redynamisé avec 3 écrans, dont l'un est un écran 3D. 150 000 tickets ont été vendus au cours des 10 premiers mois de fonctionnement. La mairie de Rio a pour projet de construire de nouveaux cinémas dans les zones nord et ouest.

Étant donné le manque de connexion efficace entre les institutions culturelles, la jeunesse et les écoles, cinecarioca s'occupe du divertissement, des arts et de la pensée critique et a pour but de cultiver des esprits créatifs et d'encourager l'affirmation des cultures dans les dimensions humaines, économiques, politiques et sociales.

5. Informations supplémentaires

La Ville de Rio de Janeiro a été candidate à la première édition du « Prix International CGLU – Ville de Mexico – Culture 21 » (janvier-mai 2014). Le Jury du Prix a rendu son rapport final en juin 2014 et a sollicité la Commission culture de CGLU pour la reconnaissance de ce projet comme une pratique exemplaire de l’Agenda 21 de la culture.

Candidature approuvée en septembre 2014.

Bonne pratique publiée en octobre 2014.

Cette fiche a été rédigée par Sérgio Sá Leitão, Secrétaire municipal à la culture.

Contact: secretariatdecultura.rio (at) gmail.com

Réseau social : http://vimeo.com/90535613

Cinecarioca, Rio de Janeiro